Alternative Investments Insights

Septembre à décembre 2018

Mercredi, 02/06/2019

L’année 2018 s’est montrée éprouvante, mais les hedge funds ont surperformé le marché actions.

Mercredi 06/02/2019 - 11:59
Cédric Vuignier Head of Liquid Alternative Investments
Christophe Campana Senior Analyst
  • Les hedge funds ont surperformé le marché actions en 2018
  • Les stratégies Macro systématiques l’ont emporté grâce essentiellement à leurs positions short sur les valeurs pétrolières
  • Les gérants Equity Long/Short ont pâti de la correction des actions, de la rotation sectorielle et du désendettement
  • Les stratégies d’arbitrage obligataire et de volatilité ont mieux résisté et ont clôturé l’année sur une note positive
  • Le portefeuille privilégie les stratégies d’arbitrage, susceptibles de tirer parti du nouveau régime de volatilité élevée

SITUATION À CE JOUR

L’année 2018 s’est montrée éprouvante. De nombreuses forces contradictoires se sont opposées, la Fed relevant ses taux face à l’accélération de l’inflation, au faible niveau du chômage et à la solidité de la croissance, tandis que les remous macroéconomiques provoquaient des retournements de tendance prononcés sur les marchés. Bien que les performances de la plupart des stratégies de hedge funds se soient globalement détériorées en 2018, elles ont néanmoins surperformé l’indice MSCI World TR. Il n’a pas été aisé de trouver un placement rentable, mais notre stratégie non corrélée a fait exception. Elle s’est bien comportée durant les derniers mois de l’année et a clôturé en territoire positif.

En termes de stratégies, les gérants exposés au beta actions ont été les moins performants, bon nombre d’entre eux ayant été pris au dépourvu par la vague globale de désendettement qui a débuté en octobre et a perduré jusqu’au 21 décembre. Les stratégies quantitatives et d’arbitrage à court terme, qui ont tiré parti du regain de volatilité des actions, ont le mieux tiré leur épingle du jeu.

De nouveaux défis sont apparus et les gérants ont dû s’adapter rapidement à un nouveau contexte caractérisé par les aspects suivants:

  • Donald Trump pèse sur les marchés. Ses tweets et ses décisions de nature parfois brutale ont un impact direct sur les stratégies de hedge funds, notamment sur l’arbitrage de fusion. Ces dernières sont particulièrement sensibles à la guerre commerciale sino-américaine et les mesures du président Trump contraignent les gérants concernés à revoir leurs processus d’investissement.
  • Impact des instruments à volatilité limitée comme les stratégies de parité des risques, les stratégies systématiques et les produits passifs, qui ont drainé une quantité massive d’actifs ces dernières années et ont eu une influence majeure sur le marché.
  • Le décalage entre l’offre et la demande constitue désormais un thème récurrent qui influence la tendance du marché. Suite à la crise financière mondiale, les nouvelles réglementations ont entraîné la cession d’activités de négociation pour compte propre, et face au resserrement en cours de la politique de la Réserve fédérale américaine, le déséquilibre entre l’offre et la demande a servi de catalyseur à l’augmentation fondamentale de la volatilité.

Nous avons accru notre allocation aux acteurs axés sur le court terme, aussi bien aux gérants systématiques que Discretionary, et aux stratégies d’arbitrage de volatilité, davantage susceptibles de tirer parti du contexte actuel de fin de cycle.

MACRO

La vague de désendettement et l’avènement de niveaux plus élevés de volatilité implicite et réalisée ont nui aux gérants Macro durant la période considérée. A l’entame de septembre, les allocations aux gérants Discretionary Macro étaient similaires à celles observées toute l’année durant, à savoir relativement limitées avec toutefois un certain beta actions qui a rapidement été ramené à un niveau proche de zéro en octobre. Les gérants dans leur ensemble ont été tétanisés par le flou régnant sur les marchés, la détérioration des conditions de liquidité et l’environnement macroéconomique agité. Ils ont dès lors maintenu un positionnement spécifique et tactique limité, axé sur les taux américains, et une exposition longue au dollar US par rapport aux monnaies matières premières, ces dernières ayant constitué le plus gros frein sur la période. Les gérants systématiques (hors Macro), dont la plupart ont conservé un penchant acheteur, ont encore une fois été à la peine. Les fréquents retournements et l’absence de tendances de fond ont pénalisé les gérants Trend Following en 2018, bien que la remontée des taux américains leur ait permis de tirer parti de leurs positions obligataires, tandis que les modèles à contre-courant axés sur le court terme ont particulièrement bien résisté.

Nos perspectives

L’environnement actuel de fin de cycle, caractérisé par de nombreuses interférences, nous semble attrayant. D’où l’accent sur un horizon d’investissement de plus long terme et le moindre recours aux gérants systématiques (hors stratégies Macro systématiques) alors que nous pénétrons en terre inconnue. Les gérants Discretionary Macro sont en mesure de réaliser des opérations de valeur relative sur les taux et les devises et devraient ainsi pouvoir tirer parti de la divergence accrue entre les politiques des banques centrales. L’autre argument en faveur des gérants Macro est leur recours intensif aux contrats à terme pour mettre en œuvre leurs transactions. Ils disposent ainsi de montants considérables de liquidités non grevées investies en bons du Trésor qui leur assurent un rendement sans risque supérieur à 2,5% par an.

Les CTA étaient largement acheteurs sur les actions en début d’année mais leur positionnement semble désormais plus neutre, conforme à l’exposition nette longue de la CFTC
Les CTA étaient largement acheteurs sur les actions en début d’année
Source
Bloomberg, CFTC, Goldman Sachs Global Investment Research. Données de janvier 2010 à décembre 2018

EQUITY HEDGE

La période comprise entre septembre et décembre a été préjudiciable aux marchés actions, lesquels n’ont offert aucun refuge, et les indices ont chuté de plus de 10% pour la plupart. Aux Etats-Unis, les secteurs défensifs comme les services aux collectivités, les télécommunications et les biens de consommation de première nécessité ont le mieux résisté, tandis que les valeurs de croissance et les secteurs cycliques surachetés, comme les technologies de l’information, les biens de consommation cycliques et les valeurs industrielles, ont été particulièrement malmenés. Pour les gérants Long/Short, l’influence la plus nuisible a été le désendettement généralisé. La réduction du risque globalement opérée par les gérants de hedge funds lors de l’effondrement du marché a eu un impact immédiat, accroissant la pression vendeuse sur les positions long et la pression acheteuse sur la couverture des positions short. Cet environnement contraire s’est montré particulièrement difficile pour les gérants affichant une position nette acheteuse et sur ceux présentant des biais sectoriels prononcés, qui se sont trouvés pris entre deux feux. Nous avons notamment observé une rotation en faveur des secteurs défensifs au deuxième semestre 2018, les secteurs de la santé, des biens de consommation de première nécessité, des télécommunications et des services aux collectivités constituant quatre des cinq secteurs sujets au plus fort positionnement net acheteur. Les gérants américains Market Neutral ont également été touchés par le double impact de la rotation sectorielle et du désendettement global, et ont clôturé l’année dans le rouge.

Nos perspectives

Les gérants Long/Short ont presque tous réduit leurs expositions brutes et nettes durant les derniers mois de 2018. Il faut s’attendre à ce qu’ils accroissent à nouveau le risque de leurs portefeuilles à l’occasion de la prochaine saison des résultats d’entreprises, des signes laissant penser que les fondamentaux sont plus solides que ne le dénote la récente révision à la baisse des prévisions des analystes.

La récente baisse des bénéfices ne justifie pas la correction du S&P 500
La récente baisse des bénéfices
Source
Bloomberg. Données de décembre 2015 à décembre 2018

EVENT-DRIVEN

Durant la période sous revue, les hedge funds Event-Driven ont enregistré des performances négatives dans un environnement complexe lié notamment aux inquiétudes d’ordre politique et aux conditions de marché ultérieures. Les gérants les plus exposés au beta ont été particulièrement touchés dans ce contexte baissier.

Les spreads des opérations d’arbitrage de fusion ont peu évolué durant la période, sauf en novembre où ils se sont resserrés et ont permis aux stratégies Merger Arbitrage de se redresser. Le segment a tiré parti du resserrement des spreads sur les opérations de fusion-acquisition liées à la Chine en raison de craintes de rejet après que le rachat de NXP par Qualcomm n’a pas obtenu le feu vert des autorités chinoises.

Les échecs d’opérations ont dicté les performances des stratégies Merger Arbitrage durant la période, et nos gérants ont pâti des retombées de l’avortement du projet de fusion entre Fresenius et Akorn intervenu le 1er octobre, le juge en charge du dossier ayant considéré que Fresenius avait des raisons légitimes de retirer son offre. C’est ainsi la première fois qu’un tribunal du Delaware invoque une clause dite de «Material Adverse Change» permettant à l’acheteur de se soustraire à son obligation de procéder à l’acquisition.

Nos perspectives

Dans un contexte où la confiance des dirigeants d’entreprises ne cesse de se détériorer et où la réalisation d’opérations de fusion-acquisition ou de campagnes activistes devient plus difficile, il convient selon nous de se montrer prudent à l’égard des stratégies Merger Arbitrage et d’éviter les positions liées à des opérations transfrontalières incertaines. S’agissant du segment de la dette décotée, hors secteurs du pétrole, du gaz et de l’énergie, les volumes des prêts et des défauts affichent des plus bas historiques. Néanmoins, à l’instar des cycles précédents, les volumes d’émissions de qualité inférieure ont considérablement augmenté ces dernières années. Par le passé, des niveaux aussi importants d’émissions ont souvent été le signe avant-coureur d’une forte augmentation du taux de défaut.

Evolution du cours des actions d’Akorn en 2018 (en USD)
Evolution du cours des actions d’Akorn en 2018 (en USD)
Source
Bloomberg. Données de septembre 2018 à décembre 2018

RELATIVE VALUE

La hausse des taux et le creusement des spreads ont fait de 2018 la troisième année la plus mauvaise jamais enregistrée par les créances Investment Grade en termes de performances totales, juste derrière le krach obligataire de 1994 et la crise financière mondiale de 2008, les titres à haut rendement ayant pour leur part dégagé des résultats tout juste meilleurs. Les gérants Credit Long/Short ont plutôt bien résisté durant la période sous revue. Les budgets de risque sont restés relativement limités face au niveau serré des spreads, ceux des créances d’entreprises américaines à haut rendement évoluant à des niveaux proches de leurs plus bas depuis dix ans. Les volumes d’émissions ont atteint des niveaux record, notamment aux Etats-Unis et en Europe, les normes de souscription se montrant laxistes. Les stratégies d’arbitrage se sont bien comportées, les gérants axés sur l’arbitrage obligataire gardant le vent en poupe et privilégiant les positions à terme. Ces derniers ont clôturé en hausse tous les mois sur la période, réallouant une partie de leur risque hors de leurs positions de longue date sur les Bunds allemands en faveur du Japon et des Etats-Unis. S’agissant des stratégies d’arbitrage de volatilité, les écarts de performance entre gérants ont été considérables en dépit d’un ensemble favorable d’opportunités. Les gérants spécialisés dans l’arbitrage de primes de volatilité ont pâti de la forme relativement plate et du net passage en déport de la courbe américaine, ainsi que de la progression quotidienne du S&P 500, tandis que les gérants axés sur la dispersion des performances aux Etats-Unis se sont distingués.

Nos perspectives

Comme nous l’évoquons depuis deux mois maintenant, de nombreuses questions restent en suspens concernant le marché du crédit mais nous restons modérément optimistes vis-à-vis de l’arbitrage de structure de capital et avons par ailleurs procédé à la réduction totale de notre exposition au beta. Le regain de volatilité confère une toile de fond idéale aux stratégies d’arbitrage de la courbe des taux et aux «swap spreads». L’arbitrage de volatilité devrait redevenir une source majeure de performance, ce qui explique le maintien de notre opinion positive vis-à-vis des stratégies concernées.

Les spreads des crédits américains à haut rendement sont proches de leurs plus bas historiques
Les spreads des crédits américains à haut rendement sont proches de leurs plus bas historiques
Source
Bloomberg. Données de décembre 2018

MiFID 2 CRÉE DE NOUVELLES OPPORTUNITÉS SUR LE MARCHÉ DES PETITES ET MOYENNES CAPITALISATIONS

La directive MiFID 2 avait notamment pour objectif de séparer les services de recherche et ceux d’exécution de telle sorte à améliorer la transparence globale, y compris concernant la manière dont les gérants dépensent l’argent des investisseurs. Aujourd’hui, douze mois après son entrée en vigueur, les premiers effets de cette directive commencent à apparaître.

Son impact sur les acteurs «buy-side» et «sell-side» n’est pas le même, sachant que sous MiFID 2 les premiers ne sont pas autorisés à obtenir des services de recherche gratuitement, dans la mesure où cela équivaudrait à une incitation. Les acteurs «sell-side» doivent donc fournir des services de recherche de premier ordre pour lesquels leurs clients sont disposés à payer. Afin d’ajuster leur offre, du fait de la diminution des budgets de recherche des sociétés de gestion, les acteurs «sell-side» renforcent leur focalisation, en particulier sur certains secteurs. Selon McKinsey, le montant des commissions perçues par les banques d’investissement a baissé de 30-35% en 2018 et cette tendance devrait se poursuivre en 2019. Contraints de réduire leurs coûts et l’étendue de leur couverture, les acteurs «sell-side» sont appelés à restreindre voire à abandonner leurs analyses dédiées aux petites et moyennes capitalisations, du fait de la moindre demande des sociétés de gestion traditionnelles.

La principale conséquence pour les investisseurs en petites et moyennes capitalisations est que cette moindre couverture va induire des inefficiences de marché, offrant ainsi des opportunités aux investisseurs qui utilisent leur propre recherche. Les sociétés «buy-side» peuvent ainsi accroître leur avantage concurrentiel en tirant parti d’informations publiques qui ne font l’objet d’aucune analyse de la part de la communauté «sell-side». Néanmoins, la diminution de la recherche des courtiers s’accompagne d’une réduction de la liquidité offerte aux sociétés de taille restreinte, ce qui accroît le risque de passer à côté d’actions jusqu’ici ignorées.

Les gérants de hedge funds axés sur les micro-, petites et moyennes capitalisations, notamment en Europe, tirent parti de cette tendance étant donné que leurs recherches sont en général entièrement réalisées en interne et qu’ils font rarement appel à des recherches secondaires. Les conditions de liquidité des fonds leur permettent d’absorber l’éventuelle prime d’illiquidité des petites entreprises. Les nouvelles plateformes de transaction comme les «dark pools» (des systèmes ou forums privés de négociation de valeurs mobilières) apportent également une liquidité supplémentaire.