Asset Allocation Insights

Notre point de vue mensuel sur l’allocation d’actifs (mai 2018)

Lundi, 05/14/2018

Bien que la toile de fond économique ait peu évolué et reste globalement favorable, l’agitation s’est toutefois considérablement accrue. Les inquiétudes liées aux tarifs douaniers, au risque de guerres commerciales et aux tensions géopolitiques ont totalement éclipsé l’impact positif des baisses d’impôts, qui devrait faire ses effets sur la croissance des bénéfices ces prochains trimestres.

Lundi 14/05/2018 - 09:07
Luc Filip Head of Discretionary Portfolio Management
Fabrizio Quirighetti Macroeconomic Strategist
Hartwig Kos
Adrien Pichoud Chief Economist & Senior Portfolio Manager
  • Peu de changements sont intervenus et la situation économique globale reste positive. Cependant, les craintes entourant les taxes à l’importation, l’éventualité de guerres commerciales et les tensions géopolitiques s’accroissent considérablement.
  • Nous conservons une prédilection pour les secteurs cycliques au détriment de ceux défensifs pour le moment, bien que la récente volatilité des marchés ait altéré la dynamique des places boursières.
  • Nous maintenons une certaine préférence pour le risque et n’avons pas réduit la duration, sachant qu’elle retrouve ses caractéristiques de décorrélation.

Des incertitudes entourent les valorisations… mais pas la croissance des bénéfices

Bien que la toile de fond économique ait peu évolué et reste globalement favorable, l’agitation s’est toutefois considérablement accrue. Les inquiétudes liées aux tarifs douaniers, au risque de guerres commerciales et aux tensions géopolitiques ont totalement éclipsé l’impact positif des baisses d’impôts, qui devrait faire ses effets sur la croissance des bénéfices ces prochains trimestres. Les investisseurs s’interrogent également sur la possibilité que l’augmentation escomptée du déficit budgétaire américain, pour financer ce cadeau fiscal, ne modifie le dialogue centré sur la politique monétaire. S’agissant de la politique monétaire, l’aplatissement de la courbe des taux américaine suscite également des préoccupations, car il augure en général d’une période plus difficile.

Il est trop tôt pour se faire une opinion explicite, mais nous ne pensons pas que ces développements puissent réellement dicter la tendance des bénéfices dans un avenir prévisible. Les annonces sur les taxes à l’importation devraient avoir un impact limité sur la croissance et l’inflation, bien que les incertitudes à ce sujet soient susceptibles de peser temporairement sur les programmes de dépenses et de recrutement. L’agitation entourant les tarifs douaniers a terni le sentiment tant au niveau des marchés financiers que des investissements des entreprises, ce qui a malheureusement affecté les valorisations que les investisseurs sont disposés à accepter. A cet égard, il y a lieu de mentionner le nouveau régime de volatilité en place depuis février, en particulier sur les marchés actions américains, qui ont connu d’importantes fluctuations des prix d’un jour à l’autre ainsi qu’en cours de séance. La contribution au risque du marché américain, généralement perçu comme le plus défensif ou le moins risqué parmi les grandes places boursières, est désormais supérieure à celle des autres marchés. Il se pourrait également que le sort du secteur de la technologie joue un rôle dans cette augmentation inhabituelle du risque actions aux États-Unis. En ce qui concerne la pente de la courbe des taux américaine, celle-ci s’aplatit immanquablement lorsque les banques centrales resserrent leur politique et il faut certainement s’attendre à un ralentissement (en ce sens que le plus fort de la reprise est derrière nous). Il pourrait toutefois ne pas intervenir avant un bon moment. Mi-2005, l’écart entre les taux américains à 10 et 2 ans était proche du niveau actuel, soit environ 50 pb, et il s’est même temporairement inversé au premier trimestre 2006. La courbe des taux dès lors ne saurait servir d’indicateur avancé.

Dans ce contexte, nous conservons une certaine prédilection pour le risque et une légère sous-pondération sur la duration. Les valorisations des actions et, dans une moindre mesure, celles des obligations d’entreprise, sont désormais légèrement plus attrayantes, mais pas suffisamment pour faire naître de nouvelles opportunités d’achat. A l’inverse, la récente baisse des taux, particulièrement en Europe continentale, a rendu les emprunts d’Etat nominaux plus onéreux. Nous n’avons pas encore réduit la duration, sachant qu’elle retrouve certaines de ses caractéristiques de décorrélation et que l’inflation reste molle. La seule évolution majeure est que nous privilégions désormais la dette émergente en monnaie forte au détriment de celle en monnaie locale (rétrogradée à légère sous-pondération). Cette classe d’actifs devrait continuer à bénéficier de l’embellie globale de la conjoncture (rattrapage de la croissance, diminution de l’inflation et possible assouplissement à venir des politiques monétaires) et de solides fondamentaux structurels (moindre dépendance vis-à-vis de capitaux externes pour financer des budgets mieux maîtrisés ou le déficit des comptes courants), et devrait ainsi échapper aux caprices du président Trump et à la normalisation progressive de la politique monétaire parmi les pays développés.

_Fabrizio Quirighetti

Contexte économique en bref et analyse globale

Un gros point d’interrogation entoure les perspectives de l’économie mondiale depuis quelque temps. L’effet combiné des événements économiques, politiques et géopolitiques a progressivement fait naître une question clé: le tassement économique en cours est-il le signe précoce du ralentissement à venir de la croissance mondiale ou s’agit-il simplement d’une stabilisation suite à l’accélération spectaculaire observée en 2017?

Soyons clairs: cette deuxième hypothèse nous semble la plus probable et nous continuons de tabler sur une toile de fond économique favorable d’ici la fin de l’année. Cependant, la convergence entre la détérioration des chiffres sur la croissance, le durcissement des positions des Etats-Unis et de la Chine en matière d’échanges commerciaux et la montée des tensions entre les Etats-Unis et la Russie (sanctions économique et confrontation en Syrie qui n’est pas sans rappeler la guerre froide) suscite un sentiment croissant de malaise dans l’esprit des investisseurs. Rien de concret n’est intervenu à ce stade, mais les marchés ont l’impression désagréable qu’il en faudrait peu pour que les perspectives s’assombrissent.

S’ajoute à cela l’orientation des banques centrales: très logiquement au regard de leurs mandats, la Réserve fédérale américaine (Fed), la Banque d’Angleterre et la Banque centrale européenne (BCE) sont désormais disposées à normaliser leurs politiques. La Fed a de nouveau rehaussé ses taux d’intérêt en mars et continuera à le faire au cours des trimestres à venir. La Banque d’Angleterre envisage un nouveau relèvement suite à la première hausse de ses taux l’an dernier. La BCE quant à elle indique qu’elle amorcera le retrait de son programme d’assouplissement quantitatif d’ici la fin de l’année. Pour justifiée qu’elle soit, et bien que les politiques monétaires restent très accommodantes en termes absolus, cette tendance synchronisée au resserrement des conditions alors même que des interrogations entourent les perspectives économiques ravive les craintes d’extinction de la croissance induite par les banques centrales, comme en témoigne l’aplatissement des courbes de taux. Dès lors, les mois à venir seront déterminants s’agissant de savoir si la récente détérioration des données macroéconomiques n’est rien d’autre que le reflet d’une stabilisation ou le signe précoce de difficultés plus sérieuses.

Croissance

Malgré le tassement des indicateurs et certaines données décevantes en Europe, les grandes économies dans leur ensemble poursuivent leur croissance à l’entame du deuxième trimestre. Par contre, la croissance ne s’accélère plus.

 

Inflation

L’inflation se rapproche lentement, mais sûrement, de l’objectif des banques centrales dans les pays développés, soutenue par des cours du pétrole qui affichent leur niveau le plus élevé depuis trois ans. En revanche, la désinflation reste à l’ordre du jour dans la plupart des pays émergents.

 

Orientation des politiques monétaires

Les banques centrales des grands pays développés annoncent la normalisation de leurs politiques monétaires à différents degrés face à la croissance positive et au raffermissement des taux d’inflation, tandis que celles des pays émergents bénéficient du ralentissement de l’inflation qui leur permet d’assouplir leurs politiques restrictives.

«Les mois à venir seront déterminants s’agissant de savoir si la récente détérioration des données macroéconomiques n’est rien d’autre que le reflet d’une stabilisation ou le signe précoce de difficultés plus sérieuses.»
Tendances et niveau de l’indice PMI manufacturier
PMI
Source
Sources: Factset, SYZ Asset Management. Données au 23 avril 2018
Tendance de l’inflation et écart par rapport à l’objectif de la banque centrale
Inflation
Source
Sources: Factset, Markit, SYZ Asset Management. Données au 23 avril 2018

Economies développées

L’économie américaine s’est quelque peu essoufflée au premier trimestre, mais sa croissance se poursuit à un rythme solide. La consommation est soutenue par un taux de chômage au plus bas, le revenu des ménages se redresse lentement et les dépenses d’investissement continuent d’augmenter alors que le moral des entreprises est au beau fixe. La remontée de l’inflation sous-jacente au-delà de 2% en mars conforte l’opinion de la Fed qu’il convient de poursuivre la normalisation de sa politique monétaire, ce qu’elle a fait lors de sa réunion de mars. Les taux à court terme aux Etats-Unis sont désormais proches de passer en territoire positif en termes réels (hors inflation) pour la première fois depuis dix ans. La Fed entend prolonger le cycle en cours qui prendra désormais de facto la tournure d’un cycle de resserrement.

Les données économiques européennes se sont détériorées et ont été inférieures aux attentes ces dernières semaines. Faut-il y voir un motif d’inquiétude? Le redressement tant attendu de la croissance est-il déjà terminé? La réponse est non, pour le moment à tout le moins. Bien que le ralentissement récent ait été prononcé, le point de départ était si élevé que les données économiques restent à des niveaux compatibles avec une croissance du PIB supérieure à son potentiel. Elles doivent simplement se stabiliser à un moment donné… Le recul du chômage dans l’ensemble de la région, les dépenses d’investissement comprimées et les conditions financières très favorables devraient permettre la poursuite du cycle de croissance, mais la faiblesse persistante de l’inflation permet à la BCE de ne pas s’empresser à mettre fin à sa politique d’assouplissement quantitatif. La Banque d’Angleterre est confrontée à une situation légèrement différente dans la mesure où l’inflation est supérieure à son objectif depuis un an. Pour peu que les effets de change se dissipent ces prochains mois, une nouvelle hausse de 25 pb des taux sera envisagée. Au Japon, le tassement récent de la croissance reflète la sensibilité encore élevée de l’économie aux fluctuations du yen.

 

Economies émergentes

L’économie chinoise se porte relativement bien à l’heure actuelle et semble par conséquent en mesure de résister à une guerre commerciale limitée. La croissance du PIB s’est stabilisée, avec un recentrage progressif sur la consommation interne. Les sorties de capitaux ont été endiguées, la croissance du crédit est provisoirement maîtrisée et le yuan s’est stabilisé et a même rebondi par rapport au dollar US. Ce contexte donne aux autorités la marge de manœuvre nécessaire pour contrebalancer dans une certaine mesure les éventuels effets d’une guerre commerciale.

Des élections sont prévues cette année dans deux grands pays latino-américains, à savoir le Brésil et le Mexique. L’un et l’autre présentent une situation économique intéressante: une dynamique de croissance positive accompagnée d’un ralentissement de l’inflation. Sur le front politique toutefois, le candidat de gauche Andrés Manuel López Obrador est en tête dans les sondages au Mexique tandis que Lula, qui entendait représenter la gauche brésilienne, a été condamné à une peine de prison pour corruption.

En Turquie, le président Erdogan a convoqué des élections anticipées en juin. L’avenir dira si cette décision était motivée par l’anticipation d’un ralentissement à venir de la croissance du fait de l’évanouissement des effets de la relance budgétaire.

_Adrien Pichoud

Les données économiques se sont détériorées récemment, notamment en Europe et au Japon
Données économiques
Source
Sources: Factset, SYZ Asset Management. Données au 20 avril 2018

Investment Strategy Group - Synthèse et valorisations des actifs

Risque et duration

Notre évaluation du risque et de la duration reste inchangée. Cependant, compte tenu de la relative détérioration de la conjoncture mondiale et de l’accélération de l’inflation, il apparaît de plus en plus évident que le prochain ajustement nous verra probablement adopter une opinion légèrement négative vis-à-vis du risque et négative vis-à-vis de la duration.

 

Actions

Comme évoqué précédemment, nous avons rééquilibré les grands thèmes actions ces derniers mois compte tenu de notre opinion prudemment positive sur le risque actions en général, sans toutefois nous exposer outre mesure au risque géographique. Sur le plan sectoriel, nous conservons notre prédilection de longue date pour les secteurs cycliques au détriment de ceux défensifs. Ce positionnement reste approprié pour l’heure, mais la récente volatilité des marchés a modifié la dynamique des places boursières et plus particulièrement les caractéristiques de risque des actions américaines.

Bien que plus onéreux comparé à l’Europe et au Japon, le marché actions américain conserve un profil relativement favorable en raison de divers facteurs. En premier lieu, le dollar est selon nous susceptible de se déprécier, ce qui donne une légère impulsion au marché actions américain dans son ensemble. Surtout, les actions américaines constituent l’une des meilleures solutions pour ajouter un bêta défensif aux portefeuilles, le marché américain étant structurellement plus défensif comparé à l’Europe et au Japon. Cependant, cet avantage relatif a considérablement diminué ces derniers mois. Si l’on compare les plus hauts aux plus bas en cours de séance au niveau de l’indice S&P 500, il apparaît clairement que la volatilité journalière du marché américain dans son ensemble est aussi élevée qu’elle l’était en 2008. De plus, elle est également nettement plus élevée qu’en Europe et au Japon.

Il est manifestement trop tôt pour modifier l’évaluation des actions américaines, mais il semble néanmoins qu’un changement de régime est en cours sur les marchés actions.

« Si l’on compare les plus hauts aux plus bas en cours de séance au niveau de l’indice S&P 500, il apparaît clairement que la volatilité journalière du marché américain dans son ensemble est aussi élevée qu’elle l’était en 2008.»

Marchés obligataires

Après avoir rehaussé nos perspectives sur la duration et les obligations nominales occidentales ces derniers mois, il n’y a pas réellement lieu d’effectuer de nouveaux changements. Nous avons légèrement ajusté nos positions en obligations canadiennes indexées sur l’inflation et en obligations nominales australiennes ce mois-ci. Le seul segment dans lequel une modification plus significative de notre évaluation se justifiait était celui de la dette émergente en monnaie locale, qui semble désormais moins attrayante que celle en monnaie étrangère. Bon nombre de nos marchés favoris dans l’univers de la dette en monnaie locale ont été systématiquement rétrogradés ces derniers mois. La dernière rétrogradation concerne la Pologne, où les taux à 10 ans ont chuté de près de 30 pb ces six derniers mois, période durant laquelle les taux américains à 10 ans ont grimpé de près de 60 pb. Cela laisse peu de choix dans le domaine de la dette émergente en monnaie locale, bien que la Turquie offre encore un potentiel intéressant. D’où notre décision de rétrograder ce segment de légère surpondération à légère sous-pondération. Par conséquent, les emprunts d’Etat nominaux des marchés développés et la dette émergente en monnaie forte sont désormais nos marchés obligataires favoris.

«La dernière rétrogradation concerne la Pologne, où les taux à 10 ans ont chuté de près de 30 pb ces six derniers mois, période durant laquelle les taux américains à 10 ans ont grimpé de près de 60 pb.»

Changes et liquidités

Aucun changement dans notre analyse.

_Hartwig Kos