Asset Allocation Insights

Notre perspective mensuelle pour l’allocation d’actifs (Février 2017)

Vendredi, 02/03/2017

Face à la complaisance qui règne désormais, nous sommes en fait préoccupés par les valorisations élevées des marchés actions et du crédit.

Vendredi 03/02/2017 - 14:54
Luc Filip Head of Discretionary Portfolio Management
Fabrizio Quirighetti Macroeconomic Strategist
Hartwig Kos
Adrien Pichoud Chief Economist & Senior Portfolio Manager
  • Alors que nous entamons 2017, l’économie mondiale dans sa grande majorité voit sa dynamique de croissance positive s’améliorer.
  • Nous sommes préoccupés par les valorisations élevées des marchés actions et du crédit, en particulier dans le segment du haut rendement qui n’a connu aucune correction ces derniers mois.
  • Face à la complaisance qui règne désormais, nous choisissons de calmer le jeu en réduisant notre exposition globale au risque.

Faut-il craindre une désillusion ?

Par rapport à la même époque l’an dernier, les marchés financiers ont connu un changement profond en passant d’un pessimisme excessif à une sorte d’espoir déraisonnable. Ce sentiment est indéniablement alimenté par un contexte économique plus favorable : les indicateurs d’activité se redressent globalement, l’inflation s’accélère et les principales banques centrales dans le monde développé envisagent enfin de relever leurs taux ou à tout le moins, ne semblent plus prévoir de les ramener davantage en territoire négatif. Il convient toutefois de noter qu’en premier lieu, la croissance économique, l’inflation et les principaux taux directeurs se situent déjà à des niveaux extrêmement bas et qu’en second lieu, nous n’anticipons pas de surchauffe durable concernant ces trois variables clés dans la mesure où le trio pernicieux que constituent l’absence de gains de productivité, la faible croissance de la population active et l’endettement élevé reste en place. Autrement dit, notre scénario à un horizon de moyen à long terme demeure inchangé : la croissance devrait se maintenir, l’inflation sous-jacente est appelée à rester inférieure à l’objectif des banques centrales et la politique monétaire devrait dès lors rester relativement accommodante.

Alors que les investisseurs l’an dernier avaient bien des raisons d’être suffisamment anxieux pour vendre les actions au plus bas, ce que nous avons évité de faire, nous voyons désormais peu d’arguments cohérents justifiant une prudence excessive et une réduction drastique de notre exposition au risque. Nous affichons ainsi un optimisme circonspect. Il est difficile d’imaginer ce qui dans les prochaines semaines pourrait venir contrecarrer les conditions favorables qui prédominent actuellement : le risque politique a diminué en Europe, les craintes entourant la Chine se sont peu ou prou apaisées, les taux ne sont pas suffisamment élevés pour peser sur les marchés actions dans leur ensemble, les banques centrales ne devraient réserver aucune mauvaise surprise et la dynamique économique devrait rester solide. Face à la complaisance qui règne désormais, nous sommes en fait préoccupés par les valorisations élevées des marchés actions et du crédit. Les marges d’absorption d’éventuelles surprises négatives sont ténues sachant que les améliorations évoquées plus haut sont déjà prises en compte.

En conséquence, nous choisissons de calmer le jeu en réduisant notre positionnement global vis-à-vis du risque, passant d’un léger appétit à une légère aversion. Nous conservons certaines positions axées sur la relance côté actions, qui conservent un potentiel de hausse pour des raisons de valorisation et de conjoncture, bien que leur surperformance risque d’être désormais moins évidente qu’elle ne l’était ces derniers mois. Des positions sélectives sur la dette émergente - le Mexique et la Turquie remportant nos faveurs - ainsi que l’exposition à la duration via les bons du Trésor américain commencent à offrir un certain potentiel aussi bien en termes de valorisations que de construction du portefeuille. Après avoir acheté au son des canons, nous choisissons désormais d’alléger nos positions au son des Trompettes.

Contexte économique en bref

L’économie mondiale entame l’année en bien meilleure posture qu’en 2016 : pas d’inquiétudes sur la Chine, pas de craintes de déflation, pas de baisse des cours du pétrole, espoirs d’amélioration des perspectives de croissance aux Etats-Unis... La nouvelle année démarre sous les auspices d’une dynamique cyclique positive pour la plupart des grandes économies, d’une tendance d’inflation favorable au niveau mondial, d’une stabilisation de la croissance en Chine et de probables mesures de relance budgétaire, en particulier aux Etats-Unis. Toute la question est de savoir si ce contexte «reflationniste» va définir l’année tout entière ou si une désillusion nous guette, amenant la fin de 2017 à ressembler au début de 2016 tel un effet miroir... Notre opinion penche malheureusement en faveur de cette dernière hypothèse. Toutefois, pour l’heure, les tendances macroéconomiques positives observées récemment sont appelées à se prolonger durant les premiers mois de 2017 et le schéma à court terme du point de vue de l’investissement reste déterminé par une dynamique positive (presque) synchronisée de la croissance et de l’inflation au niveau mondial.

 

Croissance

Alors que nous entamons 2017, l’économie mondiale dans sa grande majorité voit sa dynamique de croissance positive s’améliorer. La bonne tenue la consommation dans les pays développés, favorisée par la hausse de l’emploi, alimente la demande finale et participe au redressement de l’activité industrielle après le ralentissement constaté en 2015. Seules les économies souffrant de difficultés particulières échappent à cette dynamique.

 

Inflation

L’inflation effective et les anticipations d’inflation se sont orientées à la hausse durant les derniers mois de 2016. L’alliance de la remontée des prix de l’énergie, d’effets de base positifs sur les taux d’inflation annuels, de pressions haussières modérées sur les salaires aux Etats-Unis et de l’optimisme entourant d’éventuelles mesures de relance budgétaire est parvenue à dissiper les craintes de déflation. Cependant, les taux d’inflation effective et anticipée restent faibles en termes absolus et la récente impulsion cyclique ne tardera pas à se heurter à des difficultés structurelles.

 

Orientation des politiques monétaires

La dynamique positive au niveau de la croissance et de l’inflation atténue la pression qui pèse sur les banques centrales des pays développés. La Fed se montre désormais plus confiante quant à sa capacité à «normaliser» sa politique monétaire. La BCE a prolongé son programme d’assouplissement quantitatif jusque fin 2017, mais semble rechercher un moyen de mettre fin à sa politique ultra-accommodante actuelle. Cependant, la forte sensibilité de la croissance aux conditions de crédit et le niveau modéré des pressions inflationnistes sous-jacentes continueront de justifier des politiques monétaires très accommodantes ces prochains mois.

Tendances et niveau de l’indice PMI manufacturier
Tendances et niveau de l’indice PMI manufacturier
Source
SYZ Asset Management
«Les tendances macroéconomiques positives observées récemment sont appelées à se prolonger durant les premiers mois de 2017.»
Adrien Pichoud Chief Economist & Senior Portfolio Manager
Tendance de l’inflation et écart par rapport à l’objectif de la banque centrale
Tendance de l’inflation et écart par rapport à l’objectif de la banque centrale
Source
SYZ Asset Management

Economies développées

Les indicateurs économiques aux Etats-Unis continuent de réserver de bonnes surprises. Outre l’embellie cyclique à l’œuvre depuis l’été dernier, l’élection de Donald Trump a jusqu’ici provoqué un choc de confiance positive en ce qui concerne l’économie intérieure, propulsant la confiance des consommateurs à son niveau le plus élevé depuis 15 ans et celle des PME à un plus haut de 12 ans. Ces fortes anticipations vont toutefois bientôt être confrontées à la réalité une fois que l’administration Trump aura effectivement pris les rênes du pays. L’optimisme de la Fed sur sa capacité à relever ses taux en 2017 dépendra également en grande partie des mesures concrètes mises en œuvre par le nouveau gouvernement.

Dans la zone euro, la principale préoccupation reste le risque politique, avec des élections prévues dans plusieurs pays majeurs en 2017. Mise à part cette épée de Damoclès, le contexte reste encourageant d’un point de vue purement économique, avec une dynamique générale de croissance positive, une atténuation des pressions déflationnistes et une politique monétaire appelée à rester très accommodante, au moins jusqu’à la fin de l’année. Les négociations relatives au Brexit entrent également dans la catégorie des «risques politiques», mais elles sont davantage susceptibles d’influer sur la dynamique de croissance et d’inflation au Royaume-Uni.

L’économie australienne jouit d’un net regain de croissance, stimulé par le rebond des prix des matières premières et la forte demande intérieure. Le Japon continue de tirer parti du soutien cyclique induit par la faiblesse du yen, bien que cet effet de change puisse être amené à s’atténuer en 2017.

 

Economies émergentes

Les performances économiques des principaux pays émergents sont plus disparates. Certains d’entre eux bénéficient d’une forte demande à l’export, de la hausse des cours du pétrole et des matières premières ainsi que de la dépréciation de leur monnaie. Ainsi, la Chine, la Russie, la Pologne, l’Afrique du Sud et Taïwan voient leur croissance s’améliorer.

A l’inverse, quelques grands pays émergents font face à des difficultés particulières et échappent à cette dynamique cyclique positive : l’Inde et sa démonétisation, le Mexique et les incertitudes liées à l’élection de Donald Trump, la Turquie et son contexte politique, géopolitique et monétaire, le Brésil et sa reprise encore naissante.

Investment Strategy Group : l’essentiel

Risque et duration

Considérant le puissant rebond des marchés actions intervenu ces derniers mois, force est de reconnaître que 2016 a été l’année des extrêmes. Elle s’est ouverte sur les craintes liées à la perspective effroyable d’une possible perte de contrôle des autorités chinoises sur leur économie, et d’une plongée de l’économie mondiale dans une longue période de déflation suite à l’effondrement des cours du pétrole. Elle s’est terminée dans l’euphorie suscitée par la victoire de Donald Trump et la promesse d’une relance massive. Dans l’intervalle, les investisseurs ont vu tous les risques politiques extrêmes d’importance mondiale se concrétiser. Or, les marchés financiers ont poursuivi leur progression malgré tout. C’est non seulement le cas des marchés actions occidentaux qui ont enregistré une performance totale de 7,5% en USD à l’aune de l’indice MSCI World, mais également des marchés obligataires développés, pourtant onéreux et unanimement décriés, qui ont dégagé un rendement total honorable de 1,3% en USD selon l’indice Bloomberg EFFAS G7.
Reste à savoir si les investisseurs réagiront de la même manière aux risques extrêmes qui se profilent en 2017, telles que les échéances électorales à venir en Europe et la mise en œuvre du programme de Donald Trump. Il ne fait toutefois aucun doute que l’incertitude va persister cette année et que le changement de régime politique actuellement en cours à travers le monde ne fait que l’exacerber. A très court terme, il faut savoir que certains marchés actions intègrent déjà une vision très positive des perspectives 2017, ce qui est clairement préoccupant. Par conséquent, nous avons rétrogradé notre approche du risque de léger appétit à légère aversion, notre opinion sur la duration restant inchangée à légère aversion.

 

Actions

Compte tenu de la hausse des rendements obligataires et de l’arrêt marqué par le redressement des bénéfices des entreprises, les primes de risque actions ont connu une détérioration persistante ces derniers mois. Résultat, le marché actions américain est devenu onéreux tandis que l’Europe et le Japon ont suivi la même tendance bien que de manière moins prononcée. Après avoir rétrogradé les Etats-Unis le mois dernier et adopté une plus grande prudence vis-à-vis du risque dans son ensemble, il semble justifié de rétrograder également notre opinion sur les principaux marchés européens de positive à légèrement positive. Les évolutions récentes en Europe, notamment la possibilité d’élections législatives anticipées en Italie et l’enquête pour possible détournement d’argent public visant François Fillon, le candidat des Républicains (et le favori des marchés) aux élections présidentielles françaises, augurent clairement un nouvel accès de volatilité. Néanmoins, nous restons prudemment optimistes vis-à-vis des actions européennes compte tenu de la prime de risque politique élevée que les investisseurs continuent d’attribuer au marché.
La question des préférences en matière de secteurs et de styles a gagné en importance dans nos analyses macroéconomiques ces derniers temps. Au premier semestre 2016, notre approche consistait à détenir un portefeuille plutôt équilibré avec relativement peu de préférences sectorielles et stylistiques. Au second semestre 2016, nous sommes passés à une prédilection en faveur du style «value» et des secteurs cycliques. Si cette prédilection reste d’actualité, le niveau de confiance que nous éprouvons à son égard n’est cependant plus le même. S’agissant des actions américaines, nous estimons qu’il existe une plus grande probabilité de générer des performances positives en procédant à des arbitrages au niveau des secteurs et des styles qu’en détenant le marché dans son ensemble. Cette opinion s’appuie moins sur notre confiance de voir Donald Trump mettre rapidement en œuvre des mesures de relance budgétaire que sur le positionnement relatif des acteurs du marché, lequel demeure concentré sur les secteurs onéreux assimilables aux obligations qui ont nettement sous-performé ces derniers mois. Ce positionnement fait naître la perspective d’une rotation prolongée et graduelle en faveur des secteurs cycliques à mesure que les investisseurs se verront contraints de neutraliser leurs sous-pondérations.

«S’agissant des actions américaines, nous estimons qu’il existe une plus grande probabilité de générer des performances positives en procédant à des arbitrages au niveau des secteurs et des styles qu’en détenant le marché dans son ensemble.»
Hartwig Kos

Marchés obligataires

Les valorisations des emprunts d’Etat occidentaux ont baissé depuis quelques mois, mais elles restent néanmoins élevées à nos yeux. En outre, les bouleversements liés à la manière dont les modèles de risques abordent différents segments obligataires que nous évoquions le mois dernier persistent, d’où notre inquiétude vis-à-vis des marchés obligataires dans leur ensemble. Parmi les différents segments obligataires, le marché du haut rendement se distingue comme étant le seul à ne pas avoir subi de correction ces derniers mois et les modèles se montrent de plus en plus complaisants à l’égard du risque effectif que comporte ce segment. En conséquence, nous avons rétrogradé notre opinion sur le haut rendement à négative. Parmi les marchés obligataires développés, les Etats-Unis et le Canada paraissent désormais un peu plus attractifs, ce qui est également le cas pour la France et l’Italie. En ce qui concerne les marchés émergents, notre prédilection pour les obligations en monnaie forte au détriment de celles en monnaie locale reste d’actualité. Nos préférences dans l’univers de la dette en monnaie forte vont à la Turquie et au Mexique. Les obligations turques à 10 ans en dollars affichent un rendement de 5,75%, très proche du plus haut atteint suite à l’épisode du «taper tantrum» de 2013 et très proche des niveaux de 2011 alors que la Turquie connaissait une grave crise de financement. Une situation semblable existe au Mexique, où le rendement des obligations à 10 ans en dollars avoisine 4,2%. Dans l’univers de la dette émergente en monnaie locale, la Russie et le Brésil ont clairement perdu de leur attrait. Même si leur monnaie affiche des niveaux très intéressants et que les rendements de leur dette offrent un effet de portage favorable, ces deux marchés sont toutefois désormais largement surachetés et les primes de risque intégrées aux rendements reflètent un scénario macroéconomique relativement positif dans un cas comme dans l’autre.

 

Marché des changes, produits alternatifs et liquidités

Compte tenu de la rétrogradation de notre opinion vis-à-vis du risque et de la duration, notre opinion sur les liquidités a été implicitement rehaussée. Sur les marchés des changes, le yen semble un peu plus attractif en raison de sa valorisation intrinsèque et du fait que la récente hausse de l’USD nous semble excessive, si bien que la probabilité d’un affaiblissement du billet vert à court terme a considérablement augmenté. Nous avons également rehaussé notre opinion sur l’or de très négative à négative, pour des raisons liées à l’USD et également dans l’hypothèse d’une possible baisse des rendements réels aux Etats-Unis compte tenu de la remontée des anticipations d’inflation, alliée à l’éventualité que la Fed se montre plus prudente que les acteurs du marché ne le prévoient.