Asset Allocation Insights

Notre point de vue mensuel sur l’allocation d’actifs (Septembre 2018)

Vendredi, 09/28/2018

Bien que le contexte macroéconomique continue de soutenir les actifs risqués, les perspectives s’assombrissent et pourraient réduire l’appétit pour le risque. A l’heure actuelle, il est crucial de veiller à ce que les risques soient équilibrés au sein du portefeuille, et de savoir précisément comment les actifs se comporteraient en cas de perturbation sur les marchés. La plupart des observateurs s’accordent à dire que le marché est en fin de cycle. Toutefois, une approche favorable à la prise de risques pourrait encore générer des performances attractives pendant un certain temps.

Vendredi 28/09/2018 - 14:00
Fabrizio Quirighetti Macroeconomic Strategist
Adrien Pichoud Chief Economist & Senior Portfolio Manager
Maurice Harari Senior Portfolio Manager
Luc Filip Head of Discretionary Portfolio Management

Toutes les actions ne se valent pas

La crise de la livre turque et sa contagion limitée aux actifs vulnérables des marchés émergents (ME) n’ont pas remis en question la toile de fond économique globalement favorable. Cela vaut particulièrement pour les marchés développés et l’économie américaine: les tendances en termes de croissance, d’inflation et de politique monétaire n’ont pas changé et devraient se maintenir, à condition que la crise qui touche les marchés émergents reste limitée aux quelques pays économiquement fragiles, ce qui constitue notre scénario de base. En conséquence, malgré la déroute subie par plusieurs actifs émergents, les tensions commerciales persistantes et les craintes entourant le budget italien, nous conservons notre propension au risque et continuons de privilégier les actions américaines, largement immunisées, qui figuraient au cœur de l’accroissement de notre propension au risque en juin dernier.

Il pourrait être tentant à ce stade d’accroître la duration afin de couvrir ou d’atténuer à tout le moins le risque du portefeuille, mais les avantages en termes de décorrélation sont plutôt maigres à l’heure actuelle. Tant que les conditions globales restent inchangées (l’hypothèse d’une forte baisse de la croissance et de l’inflation est peu probable), il semble préférable de réduire le risque directement au niveau des portefeuilles. Sur la base des valorisations actuelles et de notre analyse économique, la trajectoire des taux reste orientée à la hausse. Nous avons dès lors conservé une légère sous-pondération sur la duration.

Les marchés se montrent problématiques cette année. Les performances des actions du NASDAQ affichent de fortes disparités, les gains de l’indice se concentrant parmi quelques titres emblématiques, tandis que les autres marchés développés sont à la peine et que plusieurs marchés émergents connaissent une phase baissière. La loi de Stein, selon laquelle «si un phénomène ne peut continuer indéfiniment, il s’arrêtera», s’applique à cette situation. Toute la question est donc de savoir si et à quel moment le reste des actions mondiales parviendra à rattraper son retard sur les actions américaines, ou plutôt si le NASDAQ parviendra à combler l’écart. Nos comités dédiés au cycle économique, à la valorisation des actifs et à l’équilibrage des risques penchent en faveur de cette dernière hypothèse: un rééquilibrage en faveur des titres value au détriment des valeurs growth devrait intervenir d’ici la fin de l’année.

Pour ce qui est du catalyseur et du «moment» propice à un tel rééquilibrage, il ne pourra s’amorcer qu’une fois atténuées les divergences en termes de croissance, d’inflation et de politique monétaire parmi les grandes économies. Une fois les investisseurs convaincus de la stabilisation de la croissance en Europe et en Chine et du plafonnement de la croissance américaine, ou dès que la Fed s’approchera de taux neutres et que la BCE et la Banque du Japon (BoJ) commenceront à durcir le ton, les titres les moins performants devraient commencer à l’emporter sur les leaders actuels de la cote. Si notre analyse est la bonne, l’appréciation du dollar US devrait prendre fin, dopant les cours et le sentiment à travers le monde au détriment de l’optimisme actuel vis-à-vis des valeurs technologiques américaines.

_Fabrizio Quirighetti

Contexte économique en bref et analyse globale

La montée des tensions en Turquie a dominé l’actualité macroéconomique ces derniers temps. Sa brouille diplomatique avec les Etats-Unis consécutive à l’incarcération d’un pasteur américain est l’étincelle qui a mis le feu aux poudres. Sachant que la huitième plus grande économie émergente était déjà très fragile et confrontée à une détérioration de sa conjoncture, ce différend a fait plonger la livre turque à un nouveau plus bas historique. Dans un contexte de croissance mondiale plus faible que prévu, de ralentissement en Chine, de dépréciation du yuan et de tensions commerciales, les événements en Turquie ont remis en question la croissance des marchés émergents, notamment leur aptitude à surmonter la normalisation de la politique monétaire américaine, ponctuée par la remontée des taux et l’ascension du billet vert.

Cependant, malgré ces gros titres alarmants, l’économie mondiale continue d’afficher une expansion générale alimentée par une solide demande dans l’ensemble des pays développés. Dans ce contexte, la Turquie fait figure de cas désespéré en raison de sa prodigalité budgétaire, de sa forte dépendance vis-à-vis du financement externe et de sa politique monétaire non orthodoxe, plutôt qu’un indicateur avancé potentiel des marchés émergents. Alors que l’activité se stabilise à des niveaux honorables en Europe et dans la plupart des pays d’Asie émergente après un premier semestre décevant, en parallèle à une solide croissance, l’économie mondiale poursuit son expansion, bien qu’à un rythme moins soutenu et moins régulier que l’an dernier.

 

Croissance

La dynamique du cycle économique ralentit globalement dans la plupart des grandes économies, mais la croissance reste positive en valeur absolue. Les principaux moteurs de la demande finale dans les pays développés restent solidement en place: évolution favorable du marché du travail et des salaires, et conditions de crédit accommodantes qui soutiennent l’immobilier.

Tendances et niveau de l’indice PMI manufacturier
Tendances et niveau de l’indice PMI manufacturier
Source
Factset, SYZ Asset Management. Données au: 22 août 2018

Inflation

La dynamique de l’inflation dans l’ensemble des pays développés reste légèrement positive, l’expansion économique et l’augmentation des salaires permettant une hausse des prix à un rythme modéré, cette hausse restant toutefois bridée par des difficultés structurelles. La dynamique de l’inflation est plus disparate dans les pays émergents, où les fluctuations des taux de change décuplent souvent les tendances endogènes.

 

Orientation des politiques monétaires

Malgré le récent relèvement des taux de la Banque d’Angleterre, les politiques monétaires dans l’ensemble des pays développés restent très accommodantes. Aux Etats-Unis, la Fed entend poursuivre son cycle de rehaussement progressif des taux d’intérêt et se dirige vers une politique légèrement restrictive.

Tendance de l’inflation et écart par rapport à l’objectif de la banque centrale
Tendance de l’inflation et écart par rapport à l’objectif de la banque centrale
Source
Factset, Markit, SYZ Asset Management. Données au: 22 août 2018

Economies développées

Après un deuxième trimestre relativement solide, l’économie américaine a entamé la période estivale sur un ton tout aussi ferme, toujours dopée par la bonne tenue de la consommation intérieure. Cependant, des contraintes de capacité limitent le potentiel de nouvelle accélération et, à la marge, la dynamique macroéconomique américaine semble davantage susceptible de se stabiliser voire de ralentir légèrement au cours des mois à venir, tout en conservant un niveau relativement élevé. Le resserrement en cours de la politique monétaire est contrebalancé par la relance budgétaire, qui continue de soutenir une solide expansion économique.

Après un tassement au premier semestre, la croissance dans la zone euro donne des signes de stabilisation. Le rythme de l’expansion n’est plus supérieur aux prévisions, mais les indicateurs dans leur ensemble continuent toutefois d’annoncer une stabilisation de la croissance du PIB aux alentours de 1,5% en rythme annualisé. En outre, le marché a désormais ajusté ses prévisions à ce niveau. Par conséquent, la zone euro devrait objectivement enregistrer une croissance supérieure au potentiel et conforme aux attentes d’ici fin 2018. La Banque d’Angleterre, confrontée elle aussi à une solide croissance en dépit des incertitudes liées au Brexit, et à un taux d’inflation supérieur à l’objectif, a décidé de rehausser son taux à court terme à 0,75%.

La dynamique de l’économie s’est également stabilisée au Japon, comme en témoigne le rebond du PIB tiré par la consommation au deuxième trimestre. La Banque du Japon a fait un premier pas très timide vers la normalisation de sa politique monétaire en relevant le niveau plafond du taux des emprunts d’Etat japonais à 10 ans dans le cadre de sa politique de contrôle de la courbe des taux. Cependant, elle reste encore bien loin de mettre fin à sa politique très accommodante.

En Australie, la dynamique économique s’essouffle sous l’effet combiné du ralentissement de l’économie chinoise et des droits de douane américains d’une part, et de la baisse des prix des matières premières de l’autre.

 

Economies émergentes

Les difficultés en Turquie rappellent le mauvais souvenir de pays émergents ébranlés et plongés dans la crise du fait de la remontée des taux de la Fed. Cependant, la situation de la Turquie reste unique à ce stade. La hausse des taux américains à court terme et l’appréciation du dollar ne font qu’ajouter à la fragilité structurelle du pays. Les politiques économiques de la Turquie vont à l’encontre des intérêts de ses créanciers alors même que le pays dépend de ces derniers pour financer son économie. La politisation de la politique de la banque centrale, l’absence de réaction significative à l’envolée de l’inflation et l’effondrement de la livre turque sont autant de difficultés de nature domestique, outre la brouille diplomatique et commerciale avec les Etats-Unis.

Par conséquent, le risque de contagion aux autres pays émergents semble limité jusqu’ici. La croissance continue de ralentir en Chine et, par voie de conséquence, dans l’ensemble de l’Asie du Sud-Est. Cependant, l’assouplissement budgétaire et monétaire en Chine devrait permettre une stabilisation, voire un rebond de l’activité d’ici la fin de l’année.

_Adrien Pichoud

La croissance mondiale reste positive, mais les incertitudes liées aux droits de douane menacent déjà de ralentir le commerce mondial
La croissance mondiale reste positive, mais les incertitudes liées aux droits de douane menacent déjà de ralentir le commerce mondial
Source
Factset, SYZ Asset Management. Données au: 22 août 2018

Analyse de l’équipe Asset Valuations & Investment Strategy Group

Risque et duration

La frayeur provoquée cet été par les craintes entourant la Turquie et la dévaluation de la livre s’est rapidement estompée, de même que la volatilité des marchés. Le statu quo macroéconomique persiste et l’envolée passagère de la volatilité, qui s’est soldée par un léger repli des marchés actions, a offert avant tout l’occasion d’acheter. Par conséquent, notre propension au risque est restée inchangée,

tout comme notre préférence pour la duration. Les valorisations des bons du Trésor américain ont connu un ajustement sensible, mais les marchés obligataires dans le reste du monde restent relativement onéreux. En outre, la BCE, principale banque centrale en dehors des Etats-Unis, n’a pas encore changé de ton en ce qui concerne sa politique monétaire, si bien qu’il est difficile d’adopter un positionnement plus constructif sur la duration mondiale.

 

Marchés actions

Conformément à notre objectif consistant à gérer des portefeuilles largement investis en actions mais néanmoins bien équilibrés, le marché actions américain reste le socle de notre exposition aux actions dans le cadre de notre allocation d’actifs globale. Ce positionnement a porté ses fruits ces derniers mois et devrait selon nous rester payant encore un temps. Cependant, nous sommes de plus en plus conscients de l’écart croissant entre les valorisations des actions américaines et celles des marchés émergents en particulier. L’ascension du dollar US et les tensions commerciales persistantes, alliées à la crise politique et monétaire en Turquie, ont sérieusement mis à mal les actions des marchés émergents. Si ce segment du marché recèle indéniablement un potentiel, il est toutefois trop tôt pour accroître sensiblement notre pondération des marchés émergents. Il faudrait pour ce faire que nous assistions à des avancées plus importantes dans les négociations commerciales, et à une perte de vitesse du billet vert. Les seules modifications apportées à notre allocation aux marchés émergents ont concerné le rehaussement de l’Inde de sous-pondération à légère sous-pondération, et la rétrogradation de l’Afrique du Sud à légère sous-pondération. L’Inde a déjà connu un ajustement marqué, tandis que l’Afrique du Sud souffre d’un grand nombre des symptômes que présente la Turquie.

«L’ascension du dollar US et les tensions commerciales persistantes, alliées à la crise politique et monétaire en Turquie, ont sérieusement mis à mal les actions des marchés émergents. Nous avons rétrogradé l’Italie d’un cran, de légère sous-pondération à sous-pondération au regard de l’accroissement de l’incertitude politique dans le pays, alors que la BCE met fin à ses mesures de soutien.»
Maurice Harari Senior Portfolio Manager

Marchés obligataires

Après le rehaussement des créances d’entreprise Invesment Grade lors de notre réunion du mois dernier, notre allocation obligataire n’a connu aucun changement. Nous avons toutefois effectué deux ajustements mineurs dans le segment des emprunts d’Etat. Nous avons rétrogradé l’Italie d’un cran, de légère sous-pondération à sous-pondération au regard de l’accroissement de l’incertitude politique dans le pays, alors que la BCE met fin à ses mesures de soutien. Nous avons rehaussé l’Australie d’un cran à légère sous-pondération compte tenu des valorisations.

 

Marché des changes, produits alternatifs et liquidités

Nous avons rehaussé l’or d’un cran à légère sous-pondération. La vigueur du dollar US et la vente par les banques centrales de certains pays émergents, notamment la CBRT en Turquie, d’une part importante de leurs réserves d’or afin d’enrayer la forte baisse de leurs monnaies ont généré une forte pression baissière sur le métal jaune. Le cours de l’or a connu un ajustement conséquent, avec une dépréciation d’environ 12% par rapport au dollar US depuis le début de l’année. Nous n’envisageons pas d’accroître notre exposition à l’or de manière sensible à ce stade, mais il conviendra néanmoins de réexaminer notre positionnement relativement négatif. Notre évaluation est restée par ailleurs inchangée.

_Maurice Harari