Asset Allocation Insights

Notre point de vue mensuel sur l’allocation d’actifs (novembre 2017)

Samedi, 11/11/2017

Bien que le contexte économique, la croissance des bénéfices par action et le sentiment restent favorables, les prix des actifs intègrent désormais plus ou moins le scénario économique idéal («goldilocks»).

Samedi 11/11/2017 - 14:00
Luc Filip Head of Discretionary Portfolio Management
Fabrizio Quirighetti Macroeconomic Strategist
Hartwig Kos
Adrien Pichoud Chief Economist & Senior Portfolio Manager
  • Le contexte de croissance généralisée au niveau mondial perdure sans que rien laisse entrevoir un changement de tendance important à court terme.
  • Plusieurs marchés actions ont été rétrogradés de (++) à (+) du fait de valorisations moins attractives.
  • Le positionnement global vis-à-vis du risque dans nos portefeuilles multi-actifs est ramené à légèrement négatif (-) tandis que le risque de duration est maintenu à un niveau faible (- -).

Des conditions moins idéales

Dans l’ensemble, nous sommes plus prudents dans notre positionnement vis-à-vis du risque global, que nous avons rétrogradé à légère sous-pondération au niveau de nos portefeuilles. Bien que le contexte économique, la croissance des bénéfices par action et le sentiment restent favorables, les prix des actifs intègrent désormais plus ou moins le scénario économique idéal («goldilocks»). Dès lors, les questions que nous nous posons sont les suivantes: quelle marge de progression conservent les actions et les marchés du crédit? Une marge plutôt faible. La croissance économique peut-elle continuer à dépasser les attentes? C’est peu probable. L’inflation va-t-elle encore ralentir ces prochains mois? Cela semble très peu plausible. La politique monétaire ultra-accommodante des banques centrales pourra-t-elle continuer à résister à l’«exubérance rationnelle» des marchés financiers? Nous en doutons.

Autrement dit, il faut s’attendre à ce que la marge de sécurité diminue à l’avenir, car le scénario de «goldilocks» est voué tôt ou tard à se détériorer. La volatilité pourrait alors augmenter à mesure de la réduction du soutien massif des banques centrales, avec la probabilité accrue d’une (saine) correction ou, à tout le moins, d’une consolidation. Non pas que nous misions sur un marché baissier. Mais il nous semble simplement préférable de garder certaines cartes en main dans la mesure où les performances ajustées en fonction du risque d’actifs comme le crédit et les actions américaines (notamment les valeurs technologiques) ne sont pas alléchantes. L’hypothèse que l’«exubérance rationnelle» des marchés puisse perdurer ne pouvant être totalement exclue, il semble judicieux de concentrer notre budget de risque sur les laissés-pour-compte de la phase haussière actuelle, à savoir les actions européennes et japonaises, qui ont l’avantage de présenter des valorisations plus attrayantes, une plus grande «cyclicité» et une meilleure visibilité sur leurs conditions économiques et politiques respectives. C’est en effet la meilleure manière de nous protéger d’un sentiment bien connu: la crainte de laisser passer une occasion… car comme toujours, on ne sait jamais ce qui peut arriver.

En revanche, nous maintenons une sous-pondération sur la duration étant donné que la tendance des taux reste fermement orientée à la hausse. L’inflation se stabilise, une normalisation sous une forme ou une autre de la politique monétaire des banques centrales se profile, sous l’impulsion de la Réserve fédérale, et le projet de réforme fiscale de Trump est de nouveau à l’ordre du jour. Le risque d’une envolée des taux sous l’effet de craintes excessives sur l’inflation ou d’une normalisation désordonnée de la politique des banques centrales reste notre principale préoccupation. Un tel scénario serait certain d’offrir un point d’entrée plus intéressant pour rehausser l’exposition de notre portefeuille aux actions et adopter une approche plus positive vis-à-vis des emprunts d'État.

_Fabrizio Quirighetti

Contexte économique en bref et analyse globale

Je dois admettre que l’environnement économique actuel me semble étrange, après une décennie de crises, de croissance déprimée et d’assouplissement constant des politiques monétaires. L’alliance cette année d’une croissance mondiale synchronisée et d’une normalisation des politiques monétaires semble trop belle pour être vraie, ces dernières années laissant penser qu’un événement néfaste finira par se produire.

Et pourtant, malgré les remous politiques en Espagne, les élections en Italie et l’enlisement des négociations sur le Brexit, la solidité de la croissance économique contribue à écarter le risque de mauvaise surprise en Europe. Aux Etats-Unis, les républicains semblent enfin sur le point de voter la réforme fiscale tant attendue et d’apporter une relance budgétaire à l’économie américaine. Au Japon, la continuité au plan politique devrait permettre le maintien de la solide dynamique de croissance actuellement en place. Les pays producteurs de pétrole profitent de cours du brut au plus haut depuis deux ans. La croissance chinoise s’est stabilisée et tout sera fait pour éviter les remous lors du Congrès du Parti communiste. La Fed, la BCE et la Banque d’Angleterre s’orientent chacune vers la normalisation de leur politique monétaire, mais leur approche est empreinte d’une telle prudence et d’un tel désir d’agir progressivement que les conditions financières sont vouées à rester accommodantes encore un temps.

Autant de facteurs permettant de penser que ce contexte macroéconomique favorable est susceptible de perdurer, sauf choc externe tel qu’un événement de nature géopolitique ou climatique. Cependant, il ne faut en aucun cas négliger les problèmes sous-jacents qui menacent l’économie mondiale: ralentissement structurel de la croissance, endettement élevé et croissant, hypersensibilité à la politique monétaire et incertitudes politiques alimentées par des inégalités de plus en plus fortes. Ces problèmes referont immanquablement surface, mais probablement pas dans l’immédiat. Dans l’intervalle, continuons à profiter de cette conjoncture favorable, sans perdre de vue que le potentiel haussier est désormais limité…

 

Croissance

Le contexte de croissance généralisée au niveau mondial perdure sans que rien laisse entrevoir un changement de tendance important à court terme.

 

Inflation

L’inflation reste légèrement positive parmi les pays développés sans toutefois parvenir jusqu’ici à s’accélérer, tandis qu’elle ralentit dans de grands pays émergents.

 

Orientation des politiques monétaires

Les principales banques centrales des pays développés cherchent à normaliser leurs politiques monétaires accommodantes, mais ce très progressivement. Les banques centrales de plusieurs pays émergents peuvent se permettre d’assouplir leur politique restrictive grâce au recul de l’inflation, mais là encore uniquement de manière progressive.

Ce contexte macroéconomique favorable est susceptible de perdurer, sauf choc externe tel qu’un événement de nature géopolitique ou climatique.
Adrien Pichoud Chief Economist & Senior Portfolio Manager
Tendances et niveau de l’indice PMI manufacturier
Tendances et niveau de l’indice PMI manufacturier
Source
Factset, Markit, SYZ Asset Management. Données au 30 septembre 2017
Tendance de l’inflation et écart par rapport à l’objectif de la banque centrale
Tendance de l’inflation et écart par rapport à l’objectif de la banque centrale
Source
Factset, Markit, SYZ Asset Management. Données au 30 septembre 2017

Developed economies

Les données économiques américaines jusqu’ici n’ont été que modérément affectées par les deux ouragans qui ont frappé les Etats-Unis en août, l’impact le plus visible portant sur les créations d’emploi et les salaires. Ces catastrophes pourraient même avoir une légère incidence «positive» sur l’activité et l’inflation au cours des mois à venir, en raison des besoins de reconstruction et de remplacement de certains biens. En parallèle au possible vote de la réforme fiscale tant attendue vers la fin de l’année, ces conditions sont susceptibles de rendre la Fed suffisamment confiante vis-à-vis des perspectives de croissance et d’inflation pour relever ses taux de 25 pb supplémentaires en décembre, ce qui pourrait marquer le dernier rehaussement des taux sous la présidence de Janet Yellen. Par ailleurs, la Banque du Canada penche en faveur d’une approche attentiste après les hausses surprises de ses taux, sachant que la solide dynamique de l’économie canadienne connaît une légère décélération.

La zone euro reste quant à elle en «mode de rattrapage», la demande larvée des consommateurs et des entreprises alimentant une forte expansion (selon les normes européennes) qui tire notamment vers le haut des pays à la traîne comme la France et l’Italie. Seule l’Espagne devrait connaître un certain ralentissement du fait des effets de l’incertitude politique entourant la deuxième région la plus riche du pays. Cette expansion solide et croissante concerne également, dans une certaine mesure, les économies scandinaves et la Suisse. Le Royaume-Uni, pourtant affecté par les incertitudes considérables entourant ses perspectives post-Brexit, affiche lui-même une bonne résilience économique et poursuit sa croissance, quoiqu’à un rythme moins soutenu qu’avant le référendum sur la sortie de l’UE.

L’économie japonaise reste florissante, comme en témoigne la dernière enquête Tankan trimestrielle. La Banque du Japon étant déterminée à maintenir sa politique monétaire accommodante malgré le redressement de la croissance et de l’inflation, et la continuité politique étant assurée avec le renouvellement du mandat de Shinzo Abe, tous les voyants sont au vert pour l’archipel, mis à part l’influence de la Corée du Nord.

 

Economies émergentes

La croissance économique est également positive parmi les pays en développement, avec une progression de 6,8% sur un an du PIB chinois au 3e trimestre, parfaitement conforme au taux d’expansion ciblé par le gouvernement alors que s’ouvre le Congrès du Parti communiste. L’Asie émergente d’une manière générale est soutenue par la stabilisation de la Chine et la solide dynamique du secteur technologique qui alimente la croissance des exportations, les inquiétudes géopolitiques constituant la seule menace planant sur les perspectives à court terme. Le Brésil se redresse lentement et, avec un taux d’inflation au plus bas depuis 20 ans, la banque centrale brésilienne dispose d’une marge pour poursuivre l’abaissement du taux SELIC, une situation comparable à celle de la Russie. Au Mexique, l’inflation pourrait avoir atteint un pic, mais le regain d’incertitude lié aux négociations sur l’ALENA et la pression baissière résultante sur le peso forcent la banque centrale à rester vigilante. En revanche, l’inflation en Turquie reste élevée, laissant la banque centrale prise entre les deux maux que sont une inflation supérieure au niveau cible et un possible ralentissement de la croissance à mesure que les effets positifs de la relance budgétaire s’évanouissent.

_Adrien Pichoud

Croissance supérieure à la tendance parmi les pays développés, rebond de la croissance parmi les pays émergents
Croissance supérieure à la tendance parmi les pays développés, rebond de la croissance parmi les pays émergents
Source
FMI, Factset, SYZ Asset Management Données au 30 juin 2017

Investment Strategy Group - Synthèse et valorisations des actifs

Risk and Duration

Suite au maintien d’une légère surpondération du risque actions depuis près de six mois, l’heure est venue de modifier légèrement ce positionnement. Le positionnement global sur le risque a été ramené à légère sous-pondération. Toutefois, cette réduction de la pondération des actions ne s’est pas accompagnée d’une exposition accrue à la duration. Le positionnement sur la duration reste inchangé à sous-pondération. Ce repositionnement tient à plusieurs raisons. Certes, la toile de fond économique demeure favorable et les valorisations des actions, bien que peu enthousiasmantes, sont loin d’être excessives. De plus, ce contexte idéal regroupant une solide croissance, une faible inflation et des politiques monétaires accommodantes est susceptible de perdurer encore un temps. Cependant, la tendance devrait désormais s’infléchir. La croissance pourrait ralentir, l’inflation s’accélérer et la politique des banques centrales devrait se montrer moins accommodante, le tout à la marge, et c’est précisément cette «marge» qui nous amène à revoir légèrement notre évaluation. Au cours des dix-huit derniers mois, les conditions économiques favorables ont donné une puissante impulsion aux marchés actions. Cette impulsion semble toutefois s’infléchir, si bien que le juste prix de vente pour les marchés actions pourrait être quelque peu inférieur aux niveaux actuels. Les marchés obligataires commencent à paraître plus attrayants qu’ils ne l’étaient auparavant, mais les niveaux actuels ne sont pas encore suffisamment alléchants pour justifier une révision de notre évaluation.

« Au cours des dix-huit derniers mois, les conditions économiques favorables ont donné une puissante impulsion aux marchés actions. Cette impulsion semble toutefois s’infléchir, si bien que le juste prix de vente pour les marchés actions pourrait être quelque peu inférieur aux niveaux actuels. »
Hartwig Kos

Equity Markets

Nos préférences relatives n’ont pas changé. Nous maintenons notre prédilection pour l’Europe et le Japon, mais le niveau global pour l’Europe, le Japon et les Etats-Unis a été rétrogradé d’un cran dans chaque cas.

Marchés obligataires

Le fait est que les marchés obligataires sont relativement onéreux et que la politique des banques centrales prend désormais une tournure moins accommodante. Ces deux facteurs ont principalement motivé notre sous-pondération sur la duration mise en place à l’été 2016 et de fait, les rendements des marchés obligataires occidentaux ont considérablement augmenté depuis lors. Les taux des bons du Trésor américain ont grimpé de 1,4% à 2,3%, ceux des Bunds allemands de -0,2% à 0,4% et ceux des Gilts britanniques de 0,7% à 1,3%. Cette forte hausse des rendements des emprunts d’Etat occidentaux et les politiques monétaires désynchronisées des principales banques centrales ont également créé des opportunités particulières intéressantes sur les marchés concernés. Alors qu’ils constituaient un temps le plus onéreux des marchés obligataires mondiaux, les Bunds allemands sont désormais plus attrayants que les bons du Trésor américain. Une fois l’écart de taux d’intérêt entre les Etats-Unis et l’Europe pris en compte, c’est-à-dire les coûts de couverture entre les actifs en USD et ceux libellés en EUR, l’avantage des bons du Trésor américain sur les Bunds en termes de rendement disparaît en grande partie. Le rendement des Bunds à 10 ans s’établit aujourd’hui à 0,36% contre 2,35% pour les bons du Trésor américain à 10 ans. Les coûts de couverture à six mois annualisés atteignent actuellement 2,2%. Le rendement des bons du Trésor s’élève donc à 0,15% en EUR tandis que celui des Bunds s’établit à 2,56% en USD. Les emprunts d’Etat australiens semblent eux aussi attractifs, mais cet attrait provient tout autant du taux de change que des rendements.

Reste à déterminer le moment auquel il conviendra d’adopter une opinion plus positive vis-à-vis des emprunts d’Etat des pays développés en général. Certes, ce moment n’est pas encore venu, mais il pourrait arriver plus tôt qu’on ne le pense. Si l’on se penche par exemple sur les emprunts d’Etat américains, il est indéniable que les investisseurs ont systématiquement sous-estimé la trajectoire de la politique monétaire orchestrée par la Réserve fédérale durant la majeure partie de l’année. Chaque fois que la Fed a relevé ses taux en 2017, le marché rejetait initialement l’hypothèse d’une hausse, forçant Janet Yellen ou l’un des gouverneurs de la banque centrale américaine à s’exprimer pour accroître les anticipations, en dépit de conditions financières exceptionnellement souples depuis plusieurs années. La Fed disposait donc clairement d’une importante marge de durcissement de sa politique monétaire malgré la faiblesse des pressions inflationnistes. Depuis septembre cependant, les prévisions du marché ont quelque peu changé. La probabilité d’une hausse des taux de la Fed en décembre est actuellement proche de 90% et est supérieure à 50% depuis septembre. De plus, la Fed a amorcé l’arrêt de sa politique d’assouplissement quantitatif en octobre et les retombées de cette décision sont encore inconnues à ce stade. De plus, le projet de réforme fiscale aux Etats-Unis semble avancer rapidement, au regard des très faibles attentes du marché à cet égard. Autant de facteurs susceptibles d’engendrer une hausse des rendements américains à court terme, potentiellement à un niveau proche de 3%. Nous achèterions certainement des bons du Trésor à ces niveaux, voire avant.

Il est indéniable que la réduction du bilan de la Fed change la donne sur le marché obligataire américain, car elle implique le retrait du principal acheteur. L’argument généralement avancé est que selon la loi de l’offre et de la demande (même si le resserrement quantitatif s’opère de façon progressive), il faut s’attendre à une pression haussière sur les rendements. Cependant, dans le cas des bons du Trésor, l’offre elle-même est gérée. Le département du Trésor américain pourrait en effet choisir d’émettre moins d’obligations et des obligations d’échéances plus rapprochées, ce qui pourrait exercer une légère pression baissière sur la partie longue de la courbe des taux américains. Dans le cas des titres garantis par des créances hypothécaires, la marge de manœuvre pour gérer l’offre est nettement plus restreinte. Toutefois, dans un contexte de hausse des rendements, les emprunteurs immobiliers sont moins enclins à rembourser leur prêt de façon anticipée. En conséquence, il se pourrait que la duration de ces titres garantis par des créances hypothécaires augmente et qu’un nombre moins important qu’escompté arrive à échéance à court terme. A ce stade, la Fed se contente de réduire ses réinvestissements, mais il n’est pas impensable que le volume de ces réinvestissements se révèle limité en raison du nombre restreint de titres arrivant à échéance.

Malgré l’enthousiasme qu’elle suscite à court terme, la réforme fiscale est encore loin d’être votée et on ignore encore dans quelle mesure elle pourrait contribuer à la hausse des rendements. Les anticipations à plus long terme que la Fed définit via ses projections revêtent une plus grande importance. Les prévisions du FOMC sur l’évolution du taux des Fed Funds à plus longue échéance ont constamment baissé depuis 2012, passant de 4,25% à 2,75% actuellement. Les anticipations actuelles du marché concernant les taux d’intérêt à cinq ans sont proches de 2% et ne sont donc pas si loin des projections de la Fed. Au regard de l’aplatissement croissant de la courbe des taux, un niveau compris entre 2,6% et 2,7% semblerait tout à fait raisonnable.

« La Fed a amorcé l’arrêt de sa politique d’assouplissement quantitatif en octobre et les retombées de cette décision sont encore inconnues à ce stade. De plus, le projet de réforme fiscale aux Eats-Unis semble avancer rapidement, au regard des très faibles anticipations du marché à cet égard. Autant de facteurs susceptibles d’engendrer une hausse des rendements américains à court terme, potentiellement à un niveau proche de 3%. »
Hartwig Kos

Marché des changes, produits alternatifs et liquidités

Le dollar australien a été rehaussé d’un cran, de sous-pondération à légère sous-pondération. Les valorisations se sont quelque peu améliorées et la vigueur de l’activité économique pourrait contraindre la banque centrale australienne à revoir à la hausse ses perspectives concernant l’évolution des taux d’intérêt.

_Hartwig Kos