Asset Allocation Insights

Notre point de vue mensuel sur l’allocation d’actifs (mai 2017)

Lundi, 05/15/2017

Globalement, les perspectives de l’économie mondiale semblent donc fondamentalement positives, mais pas suffisamment pour nécessiter un resserrement accéléré des politiques monétaires.

Lundi 15/05/2017 - 10:16
Luc Filip Head of Discretionary Portfolio Management
Fabrizio Quirighetti Macroeconomic Strategist
Hartwig Kos
Adrien Pichoud Chief Economist & Senior Portfolio Manager
  • Le contexte économique est favorable: expansion généralisée assortie d’une faible inflation et de politiques monétaires accommodantes à travers le monde.
  • Les risques politiques et économiques s’atténuent en Europe.
  • La décision a été prise d’accroître légèrement l’exposition au risque, principalement via les actions européennes.

En marche!

La récession de 2007-2008 et la crise de la dette qui l’a succédée en 2011-2012 ont plongé la zone euro dans les ténèbres et le marasme économique, engluée dans une croissance faible, accablée par un chômage élevé, une accumulation de créances douteuses et une absence de réformes. Les menaces pesant sur la zone euro ont été si persistantes que le populisme et les répercussions politiques ont atteint un point tel que l’hypothèse d’une désintégration est devenue une réelle possibilité récemment. Le plus inquiétant était que cette menace prenait sa source en France, l’un des membres fondateurs du projet européen, qui (ré)concilie les caractéristiques des pays périphériques et celles des pays «core». Autrement dit, la région était au bord du gouffre malgré la détermination de Mario Draghi à prendre toutes les mesures pour éviter le pire.

Heureusement, comme dans tout bon film hollywoodien, un retournement soudain et quasi incroyable a fait souffler un nouveau vent d’espoir et de renouveau: à en croire les résultats du premier tour des élections présidentielles françaises, le «sauveur» Emmanuel Macron a toutes les chances d’être le prochain président. C’est comme si la lumière était soudainement apparue au bout du tunnel et maintenant que l’horizon est quasiment dégagé, les investisseurs se rendent compte que les perspectives économiques de la zone euro ne sont pas aussi sombres qu’il apparaissait. En effet, la croissance du PIB réel avoisine actuellement 2%, un niveau inédit depuis la reprise temporaire de 2010, comparable, voire supérieur, à la performance du marché américain et manifestement supérieur à son potentiel, que l’on estime à environ 1%. De plus, une demande larvée existe dans la mesure où les taux de chômage devraient continuer à baisser par rapport à des niveaux extrêmement élevés. La situation sur le front des créances douteuses devrait s’améliorer grâce à l’accélération de la croissance nominale et une vague bienvenue de réformes pourrait relancer les investissements moribonds des entreprises nationales aussi bien qu’étrangères.

En résumé, la reprise européenne est relativement jeune (et quelque peu inattendue) comparé aux huit ans d’expansion consécutifs de l’économie américaine. Les espoirs suscités par les « Trumpenomics » et les perspectives de relance commencent déjà à s’évanouir, tandis qu’à l’inverse, Emmanuel Macron se pose désormais comme le sauveur susceptible de ressusciter l’euro et la splendeur de la France. Par conséquent, nous estimons que l’heure est venue d’accroître le risque au niveau des portefeuilles en privilégiant plus particulièrement les actions européennes, qui bénéficient de valorisations relativement intéressantes et devraient donc attirer une bonne partie des capitaux étrangers qui ont fui les marchés ces dernières années. Nous avons légèrement réduit notre positionnement sur la duration sachant que les taux allemands sont susceptibles de grimper pour peu que les investisseurs commencent à intégrer la réduction des mesures de soutien de la BCE. Nous restons aux prises avec un scénario mondial similaire à celui des «décennies perdues» du Japon, à tout le moins jusqu’à ce que de véritables réformes sociales, économiques et politiques soient mises en œuvre. La croissance européenne se dirige actuellement vers le haut de sa fourchette tandis que les Etats-Unis semblent déjà commencer à ralentir. Si notre analyse est la bonne, les bons du Trésor américain devraient être le segment le «moins mauvais» du marché des emprunts d’Etat et l’ère du dollar fort est sûrement derrière nous.

_Fabrizio Quirighetti

Contexte économique en bref

Le climat économique actuel est au plus près d'un scénario idéal (« goldilocks ») au niveau mondial, avec une expansion de nature diversifiée, un taux d'inflation positif, mais faible et des politiques monétaires accommodantes d'une manière générale. Ce contexte a permis à la Fed de procéder à un « resserrement prudent » en mars et à la BCE de maintenir ses mesures de soutien tout en prenant acte de l'amélioration des conditions économiques. Si le principal vecteur de cette expansion – des dépenses de consommation alimentées par la croissance de l'emploi – est appelé à rester en place au cours des mois à venir, certains facteurs laissent penser qu'une partie de cette dynamique pourrait être sur le point de s'essouffler. En effet, les indicateurs de confiance se détériorent quelque peu aux Etats-Unis après leur envolée spectaculaire dans le sillage des élections, tandis que les données sur l'activité réelle ne montrent jusqu'ici aucun signe d'amélioration significative. Il se pourrait que le relèvement des taux commence déjà à freiner la croissance du crédit et à peser sur la demande finale. La dynamique de l'inflation s'inverse alors que les effets de base liés aux cours du pétrole se dissipent progressivement. Ainsi, les banques centrales des pays développés ne se sont nullement empressées de mettre fin à leur politique monétaire accommodante, même si la tendance continue de laisser entrevoir une normalisation progressive. Globalement, les perspectives de l'économie mondiale semblent donc fondamentalement positives, mais pas suffisamment pour nécessiter un resserrement accéléré des politiques monétaires.

 

Croissance

L'écart entre données « subjectives » et « objectives » a persisté le mois dernier, en l'absence d'amélioration sensible des données réelles sur la production industrielle et la consommation dans les pays développés. Cette situation confirme nos anticipations d'un potentiel limité d'accélération de la croissance du PIB mondial malgré la vague d'optimisme observée au début de l'année. S'il se pourrait que les risques de baisse aient diminué, la croissance mondiale semble toutefois rester confinée dans sa fourchette des cinq dernières années (3-3,5 %).

 

Inflation

La dynamique de l'inflation commence déjà à mollir par rapport à ses sommets au niveau mondial. L'impact des effets de base liés aux cours du pétrole et, en dans le cas de plusieurs pays émergents, à la faiblesse des taux de change, se dissipe désormais après avoir été la principale cause de l'accélération de l'inflation en 2016. L'inflation sous-jacente et la croissance des salaires restent atones.

 

Orientation des politiques monétaires

La Fed et la BCE sont sur la corde raide alors qu'elles tentent de mettre fin à leur politique accommodante sans perturber la dynamique de croissance en cours. L'absence de pression inflationniste sous-jacente plaide en faveur de la prudence et d'une approche progressive. Le Royaume-Uni pourrait être l'une des rares exceptions où la banque centrale devra agir de façon plus incisive pour peu que la croissance continue de déjouer les pronostics et que l'inflation poursuive sa progression. Les banques centrales des pays émergents suivent quant à elles une dynamique inverse consistant à assouplir progressivement leur politique tout en surveillant étroitement les pressions inflationnistes.

Le contexte économique actuel est sans doute au plus près d'un scénario idéal au niveau mondial.
Adrien Pichoud Chief Economist & Senior Portfolio Manager
Tendances et niveau de l’indice PMI manufacturier
Tendances et niveau de l’indice PMI manufacturier
Tendance de l’inflation et écart par rapport à l’objectif de la banque centrale
Tendance de l’inflation et écart par rapport à l’objectif de la banque centrale

Economies développées

L'énigme que constitue l'écart important entre données subjectives et objectives aux Etats-Unis perdure. Les indices de confiance et de l'activité restent élevés malgré un léger tassement en mars, tandis que les chiffres réels sur la production industrielle, la consommation et les créations d'emploi témoignent d'une croissance molle. Les premières indiquent une croissance de 3 % du PIB en rythme annualisé au premier trimestre quand les secondes augurent d'une croissance inférieure à 1 %. Quoi qu'il en soit, ce contexte, conjugué à l'absence de pressions salariales et inflationnistes, permet à la Fed de conserver son ton prudent pour le moment, rien ne laissant penser qu'elle ait un temps de retard sur le rebond de l'économie.

En Europe, tous les indicateurs économiques restent au vert et témoignent de la poursuite d'une expansion généralisée, supérieure à son potentiel de croissance dans la plupart des cas. Cependant, l'inflation sous-jacente reste atone et a même chuté à son niveau le plus bas depuis deux ans en mars, tandis que l'inflation totale commence déjà à ralentir face à l'évanouissement des effets de base liés aux cours du pétrole. Là encore, la BCE n'a nul besoin d'ajuster hâtivement sa politique monétaire, en particulier si l'issue finale des élections en France et en Allemagne reste incertaine.

Au Japon, les données économiques continuent de dénoter une croissance solide alors que l'inflation reste quasi nulle. Dans un tel contexte où seule une forte appréciation du yen semble susceptible de pouvoir saper la reprise, la Banque du Japon n'a aucune raison – outre ses moyens d'action très limités – de mettre en place de nouvelles mesures de soutien.

 

Economies émergentes

Les économies émergentes poursuivent leur expansion, soutenues par la demande intérieure. Les hausse des prix de l'énergie est également une bonne nouvelle pour les pays producteurs de pétrole. De surcroît, le repli du dollar américain et la modération des anticipations de relèvement des taux aux Etats-Unis réduisent la pression sur les conditions de financement. Dès lors, la plupart des marchés émergents connaissent une expansion et contribuent à la croissance mondiale à l'exception de quelques pays qui, comme le Brésil, restent sur la voie d'un redressement progressif. Cependant, certains marchés émergents ne sont pas encore tirés d'affaire et pourraient être plombés par des facteurs intérieurs.

La stabilisation de la croissance en Chine s'inscrit dans cette tendance mondiale positive, favorisée par la relance budgétaire, l'ajustement de la distribution de crédit, le ralentissement des sorties de capitaux et l'apaisement des pressions baissières sur le yuan. L'économie indienne affiche elle aussi une tendance encourageante après le choc négatif induit par la démonétisation fin 2016.

_Adrien Pichoud

Investment Strategy Group: l’essentiel

Risque et duration

Les acteurs du marché avaient largement anticipé les résultats du premier tour des élections présidentielles françaises le 23 avril et le second tour à venir a déjà réduit en grande partie le risque politique extrême. Le risque d’un face-à-face entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon au second tour a été éliminé et les sondages semblent plus justes qu’ils ne l’avaient été lors du référendum sur le Brexit et des élections américaines, ce qui est encourageant. Emmanuel Macron domine les sondages pour le second tour de près de 30%, laissant penser que les chances de victoire de Marine Le Pen sont minces. La réappréciation des risques associés à l’issue des élections présidentielles françaises nous a amenés à rehausser notre positionnement vis-à-vis du risque à une légère propension. En ce qui concerne la duration, notre positionnement a été modifié en faveur d’une légère aversion. Nous restons préoccupés par les valorisations des obligations, qui sont devenues plus excessives encore à l’approche des élections en France et maintenant que les risques politiques se sont apaisés, il est plus difficile de voir quel pourrait être le catalyseur susceptible d’induire une nouvelle compression des rendements.

Les actions européennes ont été entravées par la crise de la dette souveraine dans un premier temps, puis par l’incertitude entourant la reprise économique et, plus récemment, par le risque politique. Etant donné que ces risques commencent désormais à disparaître progressivement et que les investisseurs s’adaptent peu à peu à la conjoncture plus favorable en Europe.
Hartwig Kos

Actions

En termes de valorisations, les marchés actions développés restent extrêmement ternes. Les actions européennes s’en tirent relativement mieux à l’aune de nos indicateurs. Cette situation n’est guère surprenante compte tenu de leur sous-performance quasi ininterrompue par rapport aux autres marchés développés – notamment par rapport aux Etats-Unis – ces dernières années. Les actions européennes ont été entravées par la crise de la dette souveraine dans un premier temps, puis par l’incertitude entourant la reprise économique et, plus récemment, par le risque politique. Etant donné que ces risques commencent à disparaître progressivement et que les investisseurs s’adaptent peu à peu à la conjoncture plus favorable en Europe, nous avons pris la décision de rehausser notre opinion vis-à-vis des marchés actions européens, Suisse comprise. Parmi les marchés européens, l’Italie et l’Espagne sont à nos yeux les plus attractifs en matière de valorisations. L’Espagne s’affiche déjà comme l’un des marchés européens les plus performants depuis le début de l’année, si bien que l’Italie offre un potentiel haussier manifeste. L’indice boursier italien est axé sur les valeurs financières et le sentiment vis-à-vis des banques italiennes reste extrêmement négatif. De plus, bien que le discours de la BCE concernant l’évolution de sa politique monétaire reste plutôt neutre, il n’est pas exclu qu’elle soit poussée dans un avenir proche à revoir sa position et à durcir le ton. Ce scénario serait favorable aux valeurs financières européennes en général et aux banques italiennes en particulier, compte tenu de leurs valorisations actuelles et du sentiment vis-à-vis de ce segment du marché. Un durcissement de la politique de la BCE doperait indéniablement l’euro et pourrait quelque peu freiner les marchés d’Europe du Nord plus dépendants des exportations, et désavantager les grandes capitalisations par rapport aux petites et moyennes valeurs.

 

Marchés obligataires

Nous restons préoccupés par les valorisations des obligations. En outre, alors que les risques politiques extrêmes s’évanouissent, il est difficile d’imaginer ce qui pourrait engendrer une nouvelle compression des rendements désormais. D’un point de vue relatif, les bons du Trésor américain semblent plus attractifs que d’autres titres souverains de haute qualité comme les emprunts d’Etat japonais, les Gilts ou les Bunds. Cependant, empocher cet écart de rendement (du moins du point de vue d’un investisseur en EUR) impose d’être disposé à assumer le risque de change de l’USD. La couverture du taux eurodollar 3 mois s’établit actuellement à 1,88% tandis que le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans atteint 2,31%, ce qui conduit à un portage après couverture de 0,43%, soit à peine 10 pb de plus que le rendement des Bunds. Bien que 10 pb soit un écart relativement important dans le cas des obligations de la plus haute qualité, il est difficile d’estimer si un tel placement est porteur de rendement. En termes de duration, les bons du Trésor américain sont, pour nous, incontestablement un meilleur choix que les autres marchés obligataires défensifs. Aux Etats-Unis, les investisseurs obligataires ont déjà connu trois relèvements des taux au cours des 18 derniers mois et l’hypothèse de nouvelles hausses est bien orchestrée. Ce n’est manifestement pas le cas au Japon et en Europe, ce qui ouvre la perspective de nouvelles pressions haussières sur les rendements de ces marchés. Au-delà des élections présidentielles françaises, si Martin Schulz, le candidat socialiste aux élections fédérales allemandes, venait à être chancelier, il pourrait s’allier à Emmanuel Macron – à supposer qu’il soit élu – et mener une politique expansionniste pro-croissance financée par l’émission d’euro-obligations. Des pourparlers sur la mutualisation de la dette seraient clairement une bonne nouvelle pour les actions, et les emprunts d’Etat des pays périphériques, tout en ouvrant la voie à une hausse des rendements des Bunds. Un tel scénario n’est certes que pure spéculation à ce stade. Néanmoins, les valorisations élevées des Bunds et des emprunts d’Etat japonais nous ont incités à rétrograder notre opinion à très négative, tandis que celle sur les emprunts d’Etat français a été rehaussée de très négative à négative.

D’un point de vue relatif, les bons du Trésor américain semblent plus attractifs que d’autres titres souverains de haute qualité comme les emprunts d’Etat japonais, les Gilts ou les Bunds.
Hartwig Kos

Marché des changes, produits alternatifs et liquidités

Tout en restant attractives, les liquidités le sont moins qu’auparavant et il apparaît de plus en plus clairement que l’USD commence finalement à s’essouffler. Le yen japonais et l’euro se sont montrés relativement solides ces derniers mois et, dans le cas de l’euro à tout le moins, cette tendance devrait se maintenir, soutenue par la diminution du risque politique et l’intensification des pressions inflationnistes. Pour autant, il est très probable que cette appréciation se poursuive à un faible rythme, la BCE s’efforçant de gérer les anticipations dans une certaine mesure.

_Hartwig Kos