Asset Allocation Insights

Notre point de vue mensuel sur l’allocation d’actifs (juillet 2019)

Lundi, 07/22/2019

La quête de rendement à tout prix est une nouvelle fois à l’ordre du jour. Dans un contexte où plus de 13 000 milliards de dollars d’obligations présentent un rendement négatif et où détenir des liquidités en monnaies des pays développés est prohibitif, il n’y a pas d’autre choix.


Cette situation découle de la politique ultra-accommodante des banques centrales des pays développés, lesquelles sont déterminées à faire tout ce qui est nécessaire pour relancer la croissance nominale. Nous ne doutons pas de leur pouvoir de créativité, mais nous contestons l’efficacité du maintien de taux bas et de mesures non conventionnelles pour stimuler la croissance économique et l’inflation. En effet, des taux bas ne sont pas synonymes d’une croissance nominale plus élevée, sachant que les principaux défis sont de nature structurelle. La tendance au ralentissement de la croissance et de l’inflation en parallèle à un endettement croissant ne date pas d’aujourd’hui. Les taux bas ne sont pas un remède, mais ni plus ni moins qu’un moyen de prolonger la situation et de prétendre qu’il en est autrement.

Lundi 22/07/2019 - 09:28
Fabrizio Quirighetti Macroeconomic Strategist
Adrien Pichoud Chief Economist & Senior Portfolio Manager
Maurice Harari Senior Portfolio Manager
Luc Filip Head of Discretionary Portfolio Management

PAS D’AUTRE CHOIX QUE LA CHASSE AU RENDEMENT À TOUT PRIX

La quête de rendement à tout prix est une nouvelle fois à l’ordre du jour. Dans un contexte où plus de 13 000 milliards de dollars d’obligations présentent un rendement négatif et où détenir des liquidités en monnaies des pays développés est prohibitif, il n’y a pas d’autre choix.

Cette situation découle de la politique ultra-accommodante des banques centrales des pays développés, lesquelles sont déterminées à faire tout ce qui est nécessaire pour relancer la croissance nominale. Nous ne doutons pas de leur pouvoir de créativité, mais nous contestons l’efficacité du maintien de taux bas et de mesures non conventionnelles pour stimuler la croissance économique et l’inflation. En effet, des taux bas ne sont pas synonymes d’une croissance nominale plus élevée, sachant que les principaux défis sont de nature structurelle. La tendance au ralentissement de la croissance et de l’inflation en parallèle à un endettement croissant ne date pas d’aujourd’hui. Les taux bas ne sont pas un remède, mais ni plus ni moins qu’un moyen de prolonger la situation et de prétendre qu’il en est autrement.

Selon un rapport de la BRI, 12% des entreprises cotées à travers le monde peuvent déjà être qualifiées de sociétés «zombies», incapables de couvrir le service de leur dette. Toujours pas convaincus? Songez alors à la dette souveraine italienne ou aux engagements non provisionnés, ou bien demandez à la Banque du Japon.

Il nous faut donc être pragmatiques vis-à-vis de notre positionnement actuel, qui peut se résumer au maintien d’un bêta actions faible à modéré et à miser à nouveau sur l’effet de portage de la dette. Les marchés actions sont confinés au sein d’une fourchette, qui les rend davantage prédisposés à une volatilité accrue qu’à une hausse. Il se pourrait que la Fed intervienne de façon plus modérée qu’attendu cet été, et la croissance des bénéfices est susceptible de rester décevante, si les risques qui pèsent sur la croissance se concrétisent.

Concernant l’allocation en obligations et le positionnement sur la duration, nous recommandons de rester investi, de conserver un certain niveau de duration, de privilégier la dette émergente et d’accroître l’exposition au crédit européen. Les taux des emprunts d’Etat allemands et français sont négatifs, à l’instar de ceux de la dette espagnole et portugaise à 5 ans. De plus, les valorisations des produits de spread européens demeurent attractives et la BCE pourrait cibler le crédit Investment Grade dans son prochain programme d’assouplissement quantitatif.

Dans ce contexte de taux bas, il reste judicieux de privilégier les valeurs Growth (dans le secteur de la technologie), d’étudier les opportunités qu’offrent les marchés émergents et de rester exposé aux placements de haute qualité qui procurent des flux de revenus stables et résilients.

Enfin, nous continuons d’apprécier le yen japonais et l’or pour leurs qualités de diversification. La «relique barbare» retrouve la faveur des investisseurs sachant que la crédibilité des banques centrales et, partant, des monnaies fiduciaires, continuera à être remise en question ces prochains mois. Les marchés ont soudainement pris conscience du fait qu’une récession suffirait à pousser l’économie américaine dans la même «trappe à liquidité» que le Japon et l’Europe, si bien que même les taux d’intérêt en USD pourraient franchir le Rubicon dans un avenir relativement proche.

_Fabrizio Quirighetti

CONTEXTE ÉCONOMIQUE EN BREF ET ANALYSE GLOBALE

Les banques centrales ont fini par céder à l’accumulation d’événements contraires et à l’intensification des risques négatifs. L’effet combiné du ralentissement de la croissance mondiale, de la faiblesse de l’inflation, du recul des anticipations, de la montée des tensions géopolitiques et de l’impact prolongé du conflit commercial a amené Washington, Francfort et Tokyo à la même conclusion: l’heure d’un assouplissement concret de la politique monétaire a sonné. Le président de la BCE et le Conseil des gouverneurs de la Fed ont fait savoir qu’ils s’attendent à un abaissement des taux à court terme ces prochains mois, tandis que le gouverneur de la Banque du Japon s’est donné une certaine flexibilité (à la baisse) concernant la fourchette des taux à long terme. 

Ce revirement simultané des banques centrales est manifestement lié au ralentissement généralisé de l’activité dans l’ensemble des pays développés et émergents. Déjouant les attentes de reprise, notamment en Europe et en Chine, la croissance mondiale reste anémique et continue de s’essouffler, les indicateurs récemment publiés dénotant même un ralentissement de l’économie aux Etats-Unis. Pour l’heure cependant, la bonne tenue de la demande intérieure dans la plupart des pays développés leur permet d’échapper à la récession et empêche jusqu’ici les banques centrales d’engager un assouplissement véritable de leur politique monétaire. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase est plutôt la baisse de l’inflation effective et attendue, laquelle remet en question des objectifs d’inflation que les banques centrales ne sont déjà pas parvenues à atteindre, notamment dans la zone euro. La question de savoir si l’assouplissement des politiques monétaires aura un impact sur les taux d’inflation reste en suspens, mais tant que la dynamique de croissance et d’inflation restera faible, les banques centrales seront incitées à maintenir une approche très accommodante, ne serait-ce que pour préserver leur crédibilité.


Croissance
Le ralentissement continu de la croissance des pays émergents et les tensions commerciales persistantes entre les Etats-Unis et la Chine semblent finalement mettre à mal la tendance encourageante observée ces derniers mois dans bon nombre de pays émergents. A quelques rares exceptions près, l’économie mondiale ralentit


Inflation
L’inflation reste atone partout dans le monde et cette tendance est exacerbée par la récente baisse des cours du pétrole, qui affectera l’inflation totale. Plus inquiétant encore pour les banques centrales, les anticipations d’inflation à moyen terme reculent elles aussi. Le monde est de plus en plus confronté au spectre de la «japonisation»…

Ralentissement généralisé de la croissance des pays développés et émergents
Ralentissement généralisé de la croissance des pays développés et émergents
Source
Sources: FactSet, SYZ Asset Management. Données au: 27.06.2019

Orientation des politiques monétaires
Au-delà du revirement spectaculaire et très médiatisé des grandes banques centrales des pays développés, la tendance à l’assouplissement des politiques monétaires gagne désormais les pays émergents. Ce phénomène intervient dans un contexte d’atonie de la croissance et de l’inflation associé au coup d’arrêt porté à l’appréciation du dollar américain.

Analyse économique globale 
Aucun des principaux pays développés n’est épargné par le ralentissement de la croissance constaté depuis l’an dernier. Les indicateurs de l’activité manufacturière en Europe semblent s’être stabilisés, mais ils se maintiennent à des niveaux relativement déprimés, ravivant le risque que cette faiblesse cyclique ne finisse par se propager à la consommation intérieure, qui jusqu’ici se montre résistante. Le mal pourrait déjà avoir été fait dans une certaine mesure au regard de la détérioration continue du sentiment et de la dynamique de l’emploi, y compris en Allemagne. Des signes de nature similaire commencent également à apparaître aux Etats-Unis, avec une convergence des indicateurs manufacturiers vers les 

«L’effet combiné du ralentissement de la croissance mondiale et de la faiblesse de l’inflation a amené Washington, Francfort et Tokyo à la même conclusion: l’heure d’un assouplissement de la politique monétaire a sonné.»

niveaux déjà faibles constatés dans le reste du monde, outre un ralentissement de la croissance de l’emploi et une détérioration du moral des ménages. Cette tendance est certes liée à l’évanouissement des effets des mesures de relance budgétaire instaurées en 2018, mais la faiblesse de la croissance mondiale et les incertitudes entourant le commerce international exercent également une pression négative sur le cycle conjoncturel. Même chose au Japon où le secteur extérieur est affecté par la morosité de la croissance chinoise, les incertitudes commerciales et l’appréciation du yen, tandis que l’économie intérieure est confrontée à la menace d’une hausse de la TVA prévue en octobre. Les pays producteurs de matières premières comme l’Australie et le Canada sont eux aussi impactés par le ralentissement de la demande mondiale (et notamment de la demande chinoise).


Economies émergentes 
Tout comme celle de la zone euro, l’économie chinoise n’est pas parvenue à concrétiser les espoirs de reprise apparus au premier trimestre. La poursuite voire même l’intensification des tensions commerciales avec les Etats-Unis affecte non seulement l’activité manufacturière axée sur l’export, mais également la consommation intérieure, maintenant la croissance du PIB à son niveau le plus faible depuis plusieurs décennies, avec des retombées négatives pour d’autres pays d’Asie du Sud-Est comme la Corée et Taïwan. 
Les incertitudes politiques pèsent aussi sur la dynamique de croissance de grands pays émergents dans lesquels des élections ont eu lieu dernièrement et dont la stabilité à long terme dépend de la mise en œuvre de réformes. Citons le Brésil, avec la refonte attendue de son système de retraites, l’Afrique du Sud et le Mexique avec les situations d’Eskom et de Pemex respectivement, et la Turquie, aux prises avec l’exercice délicat consistant à stabiliser la livre pour maintenir son accès aux marchés des capitaux internationaux tout en assurant un degré suffisant de soutien au président sur le plan intérieur.
L’évolution des cours du pétrole a pesé sur la dynamique de croissance de la Russie, mais sachant que l’inflation semble avoir également baissé, la banque centrale dispose d’une marge pour enfin assouplir sa politique jusqu’ici restrictive.

_Adrien Pichoud

Evaluation du FOMC concernant le niveau approprié du taux des Fed Funds et prévisions du marché
En l’espace d’un an, les projections de la Fed sont passées d’une hausse à une baisse des taux. Les marchés à terme intègrent une baisse de 100 pb des taux d’ici 12 mois
Evaluation du FOMC concernant le niveau approprié du taux des Fed Funds et prévisions du marché
Source
Sources: Réserve fédérale, Bloomberg, SYZ Asset Management Données au: 20.06.2019

Analyse de l’équipe Asset Valuations & Investment Strategy Group

Risque et duration 
Au cours du mois examiné, nous avons rehaussé notre position vis-à-vis du risque à «légère sous-pondération» et avons maintenu la duration à «légère sous-pondération» dans notre allocation d’actifs.
Le virage accommodant pris par la Fed et la BCE influencera la trajectoire future de leurs politiques monétaires et aura un impact considérable sur les marchés financiers (qui l’emportera largement sur la dynamique de la croissance ou de l’inflation). Il forcera dès lors les acteurs du marché à maintenir voire à étoffer leurs positions en actifs risqués pour échapper à la répression financière découlant des forces monétaires.

«L’opinion vis-à-vis du risque a été rehaussée d’un cran à «légère sous-pondération» en accroissant l’exposition aux actifs obligataires les plus risqués, qui sont soutenus par des régimes de politique monétaire accommodante dans la plupart des grands pays développés.»

En l’absence de signes tangibles de reprise de la croissance économique, les marchés actions devraient rester volatils et présenter un potentiel de hausse limité. Les taux se situant à des niveaux artificiellement bas, l’allocation en actions devra être ajustée de manière tactique en fonction de l’évolution de la croissance, dans la mesure où les valorisations perdent en importance. Cependant, nous procédons à l’accroissement de notre exposition au risque au travers du portage qu’offrent certains actifs obligataires, via le crédit et la dette émergente en monnaie étrangère.
Sachant que nous n’avons pas pleinement capté la baisse des taux des emprunts d’Etat de référence, nous sommes réticents à accroître la duration pure à ce stade (nous anticipons un repli passager après un rebond aussi prononcé et une forte hausse des valorisations). Nous adoptons toutefois un degré d’exposition indirecte au risque de duration au travers d’autres positions en crédit et en dette émergente en monnaie forte.
Ainsi, l’accroissement de l’exposition au risque se concentrera uniquement sur la partie la plus risquée du marché obligataire et non pas sur les actions.


Marchés actions
Nous sommes «légèrement sous-pondérés» sur les actions européennes, chinoises et japonaises, tandis que notre exposition aux actions américaines et émergentes a été rehaussée d’un cran à «légère surpondération».
L’Europe, la Chine et le Japon risquent d’être les premières victimes, collatérales ou directes, du ralentissement de la croissance et de l’intensification de la guerre commerciale à l’horizon des prochains mois.
En outre, nous préférons ne pas exprimer de biais sectoriel prononcé, ni de prédilection pour les valeurs défensives ou cycliques, car aucun secteur ne se démarque en termes de dynamique de valorisations et de bénéfices.
Nous restons toutefois attachés aux actions à dividendes élevés, car elles devraient être moins exposées au risque d’un ajustement temporaire des taux d’intérêt et offrir également une véritable alternative à moyen et long terme dans cet environnement de taux bas.


Marchés obligataires
Suite au rehaussement de notre opinion vis-à-vis du risque, nous avons décidé de rehausser le crédit Investment Grade de deux crans à «légère surpondération» et les obligations à haut rendement d’un cran à «légère sous-pondération». Nous conservons une préférence pour le crédit européen par rapport aux créances d’entreprises américaines au regard de leurs valorisations, outre la forte pente de la courbe européenne et le ton conciliant de la BCE. 
En ce qui concerne le crédit Investment Grade, nous avons rehaussé les Etats-Unis, l’Europe et le Royaume-Uni à «légère sous-pondération», «légère surpondération» et «sous-pondération», respectivement.
Nous n’avons apporté aucun changement à notre préférence relative pour les taux souverains réels plutôt que nominaux et pour la dette émergente libellée en monnaie forte plutôt qu’en monnaie locale.
Les obligations italiennes indexées sur l’inflation et celles nominales commencent à figurer parmi nos choix favoris (aux côtés des Etats-Unis) et ont été rehaussées à «légère sous-pondération» et «légère surpondération», respectivement.  
La toile de fond actuelle reste propice à la dette émergente, particulièrement en cas de baisse des taux de la Fed ces prochains mois et si, conformément à notre scénario central, l’économie américaine parvient à éviter la récession à court terme. De plus, les valorisations demeurent attrayantes, notamment par rapport à celles des obligations d’entreprise et à celles des pays européens périphériques.
Dans le segment de la dette en monnaie forte, nous avons rétrogradé le Mexique à «légère sous-pondération» et rehaussé le Brésil à «légère surpondération», ce dernier bénéficiant actuellement du soutien et de la confiance des investisseurs étrangers. 
La dette indonésienne (en monnaie locale) a été rehaussée à «légère sous-pondération» dans la mesure où l’environnement économique demeure favorable, avec une inflation maîtrisée et une banque centrale susceptible d’assouplir sa politique restrictive. Dernièrement, S&P a également rehaussé la note du pays et l’Indonésie pourrait être l’un des premiers bénéficiaires du ton plus accommodant de la Fed.


Marché des changes, produits alternatifs et liquidités
Nous privilégions le dollar US au détriment de l’euro, malgré la valorisation plus élevée du billet vert, car il offre de meilleures perspectives de croissance et un écart de rendement qui reste positif.
En ce qui concerne le yen japonais, que nous surpondérons légèrement, notre analyse reste favorable par rapport au franc suisse qui a perdu en partie son statut de valeur refuge suite au penchant de la Banque nationale suisse en faveur d’un assouplissement de sa politique monétaire. Enfin, l’or est placé en «légère surpondération», compte tenu de ses caractéristiques de diversification dans un contexte d’aversion au risque.

_Maurice Harari