Asset Allocation Insights

Notre point de vue mensuel sur l’allocation d’actifs (Février 2019)

Lundi, 02/11/2019

Les marchés ont démarré l’année sur une note positive en dépit de la détérioration persistante des indicateurs de croissance économique. Le changement de ton de la Fed, dont le message indique une pause dans le cycle de hausse des taux, a dopé le sentiment des investisseurs; toutefois, nous prévoyons que les actions évolueront dans une fourchette étroite et que les taux plafonneront au cours des mois qui viennent, par conséquent nous restons prudemment constructifs. Notre sentiment de risque global est légèrement négatif et se reflète dans nos préférences au sein des segments actions et emprunts d’Etat, au détriment du crédit qui, par rapport aux marchés actions liquides, est moins attrayant.

Lundi 11/02/2019 - 08:59
Fabrizio Quirighetti Macroeconomic Strategist
Adrien Pichoud Chief Economist & Senior Portfolio Manager
Maurice Harari Senior Portfolio Manager
Luc Filip Head of Discretionary Portfolio Management

Or: pourquoi un rendement nul vaut mieux qu’un rendement négatif

Les marchés actions ont connu un début d’année en fanfare, qui contraste avec le pessimisme du mois de décembre. La question clé est donc: «S’agit-il du rebond d’un marché baissier ou d’un nouveau marché haussier?» La première proposition nous semble plus probable. A l’évidence, la fin de l’année 2018 a connu de fortes perturbations, des exagérations et quelques bonnes affaires pour les plus courageux, mais qu’est-ce qui a véritablement changé au cours des dernières semaines pour que nous retrouvions notre optimisme, surtout après le récent rebond?

Sur le front macroéconomique, la dynamique de croissance a continué de s’affaiblir. On le constate en Europe et au Japon, qui flirtent désormais avec la stagnation, mais également aux Etats-Unis, où les effets positifs de la relance budgétaire diminuent progressivement alors même que la fermeture partielle du gouvernement fédéral aura un impact négatif sur les chiffres du premier trimestre. En Chine, on recense des signes timides de stabilisation des indicateurs, des annonces vagues de mesures d’assouplissement supplémentaires et, dernièrement, l’espoir d’un accord commercial avec les Etats-Unis, qui pourrait toutefois s’avérer n’être qu’une trêve. En conclusion, ne vous attendez pas à une stabilisation de la croissance avant le printemps... au mieux.

Pour ce qui est de l’inflation, elle reste atone et bien maîtrisée, malgré dix ans d’expansion aux Etats-Unis et dans les économies des principaux marchés développés. Les garde-fous des obligations et de l’inflation, qui ont enfin connu leur moment de gloire l’année dernière, ont subitement disparu au quatrième trimestre avec l’effondrement des prix du pétrole et des actifs risqués.

Par conséquent, le seul changement important a été le discours de la Fed. Ce que Jerome Powell avait cassé en octobre en apparaissant trop ferme, il l’a maintenant réparé en mettant du baume sur le sentiment des investisseurs en utilisant des termes comme «patient», «flexible» et «dépendance des données». La Fed est intervenue juste à temps pour arrêter l’hémorragie avant qu’elle ne soit incontrôlable. Que va-t-il se passer maintenant?

Deux scénarios sont possibles. Soit la croissance s’améliore au second semestre 2019 et la Fed devra poursuivre la normalisation, tout comme les autres banques centrales des marchés développés, abaissant ainsi la valorisation des actifs insuffisamment attrayants par rapport au rendement réel positif offert par les produits monétaires classiques. Soit la croissance ralentit lentement et fait un atterrissage en douceur – nous ne croyons pas en un scénario de récession brutale à ce stade – et nous anticipons plutôt des surprises positives sur les résultats au cours des trimestres suivants.

En conclusion, les actions devraient évoluer dans une fourchette étroite et les taux plafonner pendant les prochains mois. Nous restons donc prudemment constructifs en sous-pondérant les actions et la duration, particulièrement sur la courbe européenne, et gardons des munitions pour pouvoir investir lorsque les valorisations deviendront plus attrayantes. Alors que la dette continue d’augmenter et que la marge de manœuvre des banques centrales des marchés développés diminue, une allocation à l’or se justifie actuellement. Un rendement nul vaut effectivement mieux que la promesse d’un rendement négatif sur environ USD 8000 milliards d’emprunts d’Etats endettés.

Contexte économique en bref et analyse globale

D’un point de vue macroéconomique, nous sommes soulagés que l’année 2018 soit terminée. En effet, l’activité économique a été décevante, les risques globaux ont augmenté et les conditions de crédit se sont durcies. Au cours des dernières semaines de l’année, ces tendances se sont confirmées avec la détérioration des indicateurs économiques en Europe, en Chine et même aux Etats-Unis, associée à un nouveau relèvement des taux de la Réserve fédérale et à la confirmation par la BCE de la fin de son programme d’assouplissement. Des risques baissiers prévalent pour l’économie mondiale, mais nous estimons que la croissance mondiale devrait se stabiliser à un niveau acceptable en 2019.

La matérialisation de ces risques baissiers dépend de trois problèmes essentiels. Le premier est la divergence des politiques monétaires entre les Etats-Unis et le reste du monde. La croissance mondiale perdant de sa dynamique, il devrait y avoir une pause dans la normalisation des taux. Les membres de la Fed ont d’ailleurs fait passer un message rassurant, recommandant la «patience», qui contrastait avec les propos fermes tenus il y a quelques mois.

Les deux autres éléments clés nécessaires au maintien d’un cadre macroéconomique constructif cette année sont l’indication d’une stabilisation en Europe et en Chine. Le ralentissement économique intervenu l’année dernière était désagréable, mais la croissance est restée en territoire positif. Toutefois, toute détérioration par rapport aux taux actuels deviendrait problématique. Les politiques budgétaires et monétaires accommodantes plaident en faveur d’une stabilisation, mais nombre de risques politiques, notamment les négociations commerciales, le Brexit et les élections européennes, associés à une détérioration du sentiment du secteur privé, font pencher la balance des risques du côté de la baisse.

Ces trois points ne fournissent pas encore suffisamment de garanties pour que nous puissions crier victoire. L’attitude plus prudente de la Fed est un changement positif, mais fragile. Les perspectives de croissance de la Chine sont encore incertaines et menacées par les droits de douane des Etats-Unis; quant à l’Europe, elle ne montre pas encore de signe concret de stabilisation de l’activité. Bien que la perspective d’une amélioration de l’environnement économique dans le courant de l’année reste notre scénario de base, les incertitudes et les risques qui prévalaient en 2018 subsisteront probablement dans les mois qui viennent.

 

Croissance

L’Europe et la Chine ont une incidence directe et indirecte sur le ralentissement de la croissance mondiale du fait qu’elles affectent toutes les économies dépendantes de la demande des deux géants. La dynamique de croissance s’essouffle également en Amérique du Nord.

Une dynamique de croissance plus modérée dans l’ensemble des régions
Une dynamique de croissance plus modérée dans l’ensemble des régions
Source
SYZ Asset Management. Données au: 21 janvier 2019

Inflation

Les effets de base sur les prix de l’énergie pèsent actuellement sur la dynamique de l’inflation totale, dans un contexte de faibles pressions inflationnistes sous-jacentes dans les marchés développés et plusieurs marchés émergents.

 

Politique monétaire

Une dynamique de croissance plus modérée, l’absence de pressions inflationnistes et une tendance globale à la normalisation se traduisent par une politique monétaire toujours accommodante, mais moins qu’il y a quelques mois.

 

Économies développées

Des difficultés cycliques ont commencé à affecter toutes les économies développées à la fin de l’année 2018. Dans la zone euro, cette tendance s’est prolongée, en raison du ralentissement important enregistré par la France suite à des mouvements sociaux qui ont particulièrement affecté la distribution. L’économie américaine connaît une diminution de sa dynamique de croissance; il est pour le moment difficile de déterminer si cela est dû simplement à la dissipation des effets positifs de la relance budgétaire combinée à des facteurs externes, notamment les échanges commerciaux, ou s’il faut l’attribuer à une cause plus spécifique concernant la dynamique de croissance domestique sous-jacente. Fait intéressant, le Japon poursuit une trajectoire d’expansion, qui, sans être spectaculaire, reste stable, soutenue par la demande domestique.

«Bien que la perspective d’une amélioration de l’environnement économique dans le courant de l’année 2019 reste notre scénario de base, les incertitudes subsisteront probablement dans les mois qui viennent.»
Adrien Pichoud Chief Economist & Senior Portfolio Manager

Économies émergentes

Le ralentissement chinois a été l’un des événements macroéconomiques majeurs de 2018. Les politiques économiques sont devenues progressivement plus favorables au cours des derniers mois et devraient permettre une stabilisation de l’activité économique dans le courant de l’année, bien que l‘impact de ces mesures ne se reflète pas encore dans les indicateurs économiques. La dynamique modérée de la Chine pèse sur les économies voisines de l’Asie du Sud-Est, tout comme le ralentissement dans la zone euro se fait sentir dans les pays d’Europe orientale.

L’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro au Brésil a contribué à une amélioration du sentiment dont l’économie brésilienne, qui est l’une des quelques grandes économies des marchés émergents à connaître une croissance positive, bénéficie encore. Des problèmes structurels subsistent toutefois, notamment la réforme vitale des retraites, mais la dynamique à court terme est favorable.

Dans un contexte global de faible inflation, quelques économies, comme le Mexique, la Russie et la Turquie, connaissent encore des pressions inflationnistes haussières dues principalement à des facteurs domestiques qui contraignent les banques centrales à adopter une politique monétaire restrictive.

_Adrien Pichoud

Taux d’intérêt des principales banques centrales
La Fed devrait faire une pause en 2019 et la normalisation entreprise par d’autres banques centrales pourrait être limitée. Les taux resteront bas en 2019. Les taux resteront bas en 2019.
Taux d’intérêt des principales banques centrales
Source
Bloomberg, SYZ Asset Management. Données au: 21 janvier 2019

Analyse de l’équipe Asset Valuations & Investment Strategy Group

Risque et duration

Le contexte économique n’est pas suffisant pour justifier un rehaussement de notre position vis-à-vis du risque. La croissance mondiale ralentit, même aux Etats-Unis, et les indicateurs chinois publiés dernièrement n’annoncent pas encore un rebond de l’économie du pays. Par ailleurs, des incertitudes subsistent quant à l’accord commercial entre Washington et Pékin. Par conséquent, nous souhaitons attendre que les choses s’éclaircissent avant de rehausser notre position vis-à-vis du risque. Pour le moment, nous estimons que le rebond des actions sera limité, soit par le relèvement des taux de la Fed si l’activité s’améliore, soit par les incertitudes entourant la croissance. De plus, nous pensons que les banques centrales ne changeront pas radicalement leur politique à moins qu’une menace de récession et/ou un risque systémique ne se concrétisent, ce que nous n’anticipons pas.

Dans ce contexte, nous maintenons notre position vis-à-vis du risque à «légère sous-pondération». Nous n’avons pas de biais sectoriel, mais avons tendance à préférer les actions de qualité à dividendes élevés (plutôt que le crédit) dont le rendement supérieur à 4% offre un portage intéressant et qui sont moins volatiles que le reste du marché. Nous continuons de préférer le marché actions américain à celui de l’Europe.

A l’avenir, nous envisageons de privilégier les marchés émergents par rapport à l’Europe si les données macroéconomiques s’améliorent, si nous constatons des progrès sur les droits de douane et si le dollar US se stabilise ou s’affaiblit.

Nous avons maintenu la duration à «légère sous-pondération». Les taux présentent un faible risque de baisse étant donné leur niveau, mais il est toutefois utile d’avoir une composante en duration dans les portefeuilles afin d’équilibrer le risque. Par ailleurs, l’essoufflement progressif de la dynamique macroéconomique et la pause dans la normalisation n’orientent pas vers une hausse des taux significative.

«Nous n’avons pas modifié nos évaluations du risque et de la duration, le contexte économique et les valorisations n’étant pas suffisants pour motiver un rehaussement. Les actifs britanniques deviennent toutefois intéressants en termes de valorisation et de rendement ajusté du risque.»
Maurice Harari Senior Portfolio Manager

Marchés actions

Globalement, les primes de risque actions se sont améliorées dans quasiment tous les marchés actions développés au cours du mois, sans toutefois atteindre des niveaux ridiculement faibles. Cette amélioration est attribuable à la baisse des rendements obligataires en décembre et à l’augmentation du coût du capital. Les valorisations des marchés émergents sont restées relativement stables, ces marchés ayant été plus résilients en décembre et les valorisations étant déjà basses.

Les actions britanniques ont été rehaussées d’un cran à «légère surpondération», à la faveur de valorisations attrayantes, du rendement du dividende et parce qu’elles ont été délaissées par les investisseurs récemment. La plupart des mauvaises nouvelles sont intégrées dans le cours des actions britanniques et de la livre sterling. Toutefois, les valorisations des titres britanniques restent intéressantes et le potentiel de hausse est donc élevé pour un risque baissier limité. L’absence d’accord ou un Brexit dur constitueraient les scénarios les moins favorables pour les marchés, mais ils semblent très improbables.

L’Afrique du Sud a également été relevée à «légère sous-pondération» afin de réduire la sous-pondération des marchés émergents.

 

Marchés obligataires

Malgré une légère détérioration des valorisations, les emprunts d’Etat nominaux restent intéressants dans le contexte économique actuel et sont «légèrement surpondérés». Les obligations indexées sur l’inflation ont été maintenues à «légère surpondération», à la faveur d’une amélioration des valorisations. Les valorisations des crédits Investment Grade et à haut rendement ne se sont pas suffisamment améliorées pour motiver un rehaussement. Nous continuons de préférer la liquidité du segment des actions par rapport au crédit moins liquide. Sur les marchés émergents, la dette libellée en monnaie forte reste une meilleure proposition de valeur que la dette en monnaie locale.

 

Marché des changes, produits alternatifs et liquidités

Nous avons rehaussé la livre sterling d’un cran à «légère surpondération», en raison des valorisations et de la perspective croissante d’un Brexit doux.

Notre opinion sur les monnaies est restée inchangée ce mois-ci. Nous avons maintenu notre «légère surpondération» sur le yen japonais contre le dollar US à des fins de décorrélation, alors que le franc suisse est resté «sous-pondéré».

Nous avons placé l’or en «légère surpondération», compte tenu de sa caractéristique de diversification dans le contexte actuel d’aversion au risque.