Asset Allocation Insights

Notre point de vue mensuel sur l’allocation d’actifs (Décembre 2017)

Lundi, 12/04/2017
Lundi 04/12/2017 - 10:33
Luc Filip Head of Discretionary Portfolio Management
Fabrizio Quirighetti Macroeconomic Strategist
Hartwig Kos
Adrien Pichoud Chief Economist & Senior Portfolio Manager
  • L’appétit pour le risque a globalement augmenté au cours du mois pour notre stratégie.
  • Nous maintenons notre préférence envers les marchés actions, notre argumentaire étant porté par les valorisations et la possibilité d'une amélioration des bénéfices des entreprises aux Etats-Unis.
  • Les marchés obligataires restent chers malgré une légère amélioration des valorisations, mais des poches d’opportunités subsistent.

Prêts pour le rebond de Noël

Cher père Noël, il reste seulement quelques semaines avant votre arrivée très attendue et je voudrais m’assurer que vous avez bien reçu ma lettre. Au vu de la performance amassée au pied du sapin cette année, vos lutins ont dû travailler dur et votre hotte sera lourde à porter. J’ignore votre secret, mais vous avez fait de moi le plus heureux des investisseurs. Tout s’est passé comme je l’avais rêvé … Pour la première fois depuis très longtemps, le monde a connu une croissance économique généralisée, l’inflation est restée faible jusqu’à présent et les banquiers centraux, qui nous ont parfois rappelés à l’ordre, n’ont pas eu besoin de jouer les pères Fouettards. Bref, vous nous avez gâtés cette année, à l’exception peut-être du bitcoin à bon prix que vous auriez pu glisser dans nos souliers!

Merci père Noël pour votre indulgence vis-à-vis de notre manque de bon sens et des inepties du dirigeant politique à la chevelure blonde qui a chahuté au fond de la classe toute l’année. Heureusement, il a privilégié la continuité en nommant Jerome Powell à la tête de la Réserve fédérale (Fed), le choix idéal pour rassurer les marchés. Il s’est également bien conduit lors de son voyage en Asie et n’a pas déclenché de tsunami politique sur son passage. En tout état de cause, je vous saurais gré de ne pas lui offrir de quoi jouer à la guerre avec son ami nord-coréen. Je vous remercie également pour la normalisation progressive de la politique de la Banque centrale européenne (BCE) annoncée le mois dernier alors que nous craignions la mauvaise surprise d’un resserrement brutal. «Super Mario» reste le jouet préféré du marché parmi les banquiers centraux cette année.

Nous savons parfaitement que cet environnement idéal ne peut durer indéfiniment. L’année prochaine, des pressions inflationnistes seront susceptibles d’apparaître (tout du moins modérées), la dynamique de la croissance s’essoufflera et les grandes banques centrales amorceront l’arrêt progressif de l’assouplissement quantitatif. Pour l’heure, nous souhaitons toutefois jouir pleinement de cette période de fêtes. Nous avons donc à nouveau adopté une vision plus constructive de notre positionnement vis-à-vis du risque (relevé d’un cran à légère surpondération), particulièrement envers les actions, afin de bénéficier d’un rebond de Noël  très probable.

Mes collègues et moi-même promettons bien sûr de nous conduire correctement et d’essayer d’être aussi sages que possible l’année prochaine en limitant l’exposition à la dette spéculative (vous nous avez prévenus de ses dangers avec Toys ‘R’ Us) ou aux prêts inconsidérés aux gouvernements sans rémunération sous forme de prime de terme pour éviter la répression financière sur les liquidités que nous pourrions parfois conserver sur des comptes de dépôt. Papa et maman disent que, de là-haut, vous voyez tout ce que nous faisons. Nous vous promettons donc de leur obéir, parce que nous avons eu tous les cadeaux que nous désirions cette année, à l’exception peut-être des bitcoins... Mais nous ne le regrettons pas car, comme beaucoup de jouets, ils pourraient bientôt ne plus être à la mode. Mais vous devez être très occupé la veille de Noël, je vous laisse donc vaquer à vos occupations. Prenez bien soin de vous et n’oubliez pas de saluer Johnny Hallyday: s’il pouvait continuer de jouer la musique que nous aimons depuis là-haut, nous pourrions encore danser sur les marchés pendant les mois qui viennent.

_Fabrizio Quirighetti

Contexte économique en bref et analyse globale

La fin approche de ce qui aura été la meilleure année de l’ère post crise financière pour l’économie mondiale. En cette période, les économistes publient leurs perspectives pour l’année suivante avant de prendre leurs congés de fin d’année. Dans le cadre de cet exercice, toute certitude est bienvenue et les quelques semaines passées en ont apporté quelques-unes.

Tout d’abord, nous savons désormais que l’Italie attirera davantage l’attention pour ses élections législatives et sa reprise économique que pour son rôle dans la Coupe du monde. Fait plus important pour les marchés financiers, nous savons que la BCE continuera ses achats d’obligations jusqu’en septembre et qu’en toute probabilité elle ne relèvera pas les taux d’intérêt avant 2019. Enfin, aucun changement radical n’aura lieu à la direction de la Fed, le successeur de Janet Yellen, Jerome Powell, semblant plus enclin à poursuivre la politique actuelle qu’à entamer une révolution (du moins à court terme).

On peut donc en conclure que le risque d’un resserrement brutal de la politique des banques centrales s’est estompé. Il est certain que ces dernières s’orientent vers des politiques moins accommodantes, comme l’illustrent la hausse des taux d’intérêt et la réduction du bilan de la Fed, la diminution progressive du programme d’assouplissement quantitatif de la BCE et le relèvement des taux d’intérêt de la Banque d’Angleterre et de la Banque populaire de Chine. Toutefois, la faiblesse de l’inflation leur a jusqu’à présent permis de procéder avec la plus grande prudence, ce qui constitue pour nous la principale incertitude visible. L’inflation restera-t-elle au niveau d’équilibre fragile atteint en 2017, à savoir ni trop bas (afin d’éloigner le spectre de la déflation) ni trop élevé (évitant de déclencher une réaction plus radicale des banques centrales)? Pour parler clairement, nous restons fermement convaincus que de puissants facteurs structurels empêchent une réelle accélération de l’inflation. Pour autant, cela n’exclut pas que l'inflation s’écarte légèrement des niveaux bas actuels sous l’effet d’un marché du travail plus tendu, d’une augmentation des prix du pétrole, d’une variation des taux de change et de changements de politique budgétaire.

En l’absence de déséquilibres majeurs du côté de l’investissement, des stocks ou des salaires, la croissance mondiale devrait continuer sur sa lancée l’année prochaine. Par conséquent, les variations de taux d’inflation (même minimes) et, surtout, les comportements des banques centrales seront probablement les facteurs déterminants en 2018, non seulement en raison de leur incidence sur le déséquilibre macroéconomique mondial majeur, à savoir l’endettement record, mais aussi de la correction des cours qu'ils pourraient provoquer sur les marchés financiers.

Bien entendu, il convient de prendre en compte les incertitudes géopolitiques pour établir des prévisions pour 2018. L’instabilité dans la péninsule coréenne et les tensions politiques au Moyen-Orient créées par les rivalités entre l’Iran et l’Arabie saoudite ont certainement la capacité de perturber la croissance mondiale et les marchés financiers, mais sont difficiles à intégrer dans les prévisions économiques.

Notre vision pour 2018 pourrait se résumer ainsi: nous tablons sur une poursuite de la croissance mondiale à un rythme similaire à 2017. Dans ce contexte, l’inflation a une plus forte probabilité d’accélérer que de ralentir. Si ce scénario se concrétise, nous pensons que les banques centrales des pays développés seront tentées de saisir cette opportunité pour retirer une partie des soutiens exceptionnels qu’elles ont dû apporter depuis 2008. Par conséquent, même si la conjoncture économique reste globalement favorable, les marchés financiers risquent de ne pas se comporter aussi bien qu’en 2017, année pendant laquelle ils ont pu bénéficier du beurre (des politiques monétaires ultra accommodantes) et de l’argent du beurre (une croissance économique mondiale synchronisée).

Même si la conjoncture économique reste globalement favorable, les marchés financiers risquent de ne pas se comporter aussi bien qu’en 2017
Adrien Pichoud Chief Economist & Senior Portfolio Manager
Tendances et niveau de l’indice PMI manufacturier
PMI
Source
Factset, Markit, SYZ Asset Management. Données au vendredi 17 novembre 2017
Tendance de l’inflation et écart par rapport à l’objectif de la banque centrale
Inflation
Source
Factset, Markit, SYZ Asset Management. Données au vendredi 17 novembre 2017

Economies développées

Après deux trimestres d’une solide croissance du PIB supérieure à 3%, l’économie américaine semble prête à poursuivre cette dynamique de hausse jusqu’à la fin de l’année. Les indices de confiance et d’activité, ainsi que les données «concrètes» telles que les ventes de détail et la production industrielle, ne suggèrent pas de ralentissement de la croissance au début du quatrième trimestre, ce que la Fed a confirmé le 1er novembre. Les indices d’inflation et de salaire sont la seule catégorie de données économiques qui déçoivent encore en se maintenant obstinément en dessous des attentes et des objectifs de la Fed. Si la Réserve fédérale montre suffisamment de confiance en une prochaine amélioration sur ce front pour annoncer un relèvement des taux en décembre, il lui faudra constater des signes encourageants pour poursuivre la hausse des taux en 2018.

La Banque d’Angleterre (BoE) vient juste de rejoindre la Fed et la Banque populaire de Chine (BPC) dans le club des banques centrales qui ont relevé leurs taux d’intérêt, avec une hausse de 25 pb qui compense la baisse des taux de l’après-Brexit. Une inflation supérieure à l’objectif et une activité économique dynamique ont conduit la BoE à adopter une position légèrement moins accommodante et à se ménager la possibilité d’autres hausses de taux en 2018. La BCE a quant à elle réussi à annoncer un ralentissement de son programme d’achats d’actifs, tout en contenant les attentes en matière de resserrement de sa politique monétaire. En s’engageant à acheter des obligations (mais en quantité moindre) jusqu’en septembre 2018, elle a repoussé l’éventualité d’un relèvement des taux d’intérêt à 2019 au plus tôt, faisant en sorte que la croissance encore solide dans la zone euro ne soit pas privée du soutien d’une politique monétaire très accommodante.

Le Japon a affiché un septième trimestre consécutif de croissance positive du PIB, sa plus longue période de croissance ininterrompue depuis des décennies. La Banque du Japon (BoJ) s’est engagée à maintenir sa politique monétaire ultra accommodante «tant que l’inflation n’a pas atteint 2%», mais le contexte macroéconomique favorable peut amener la BoJ à abandonner certaines de ses mesures les plus agressives en 2018, particulièrement si toutes les autres grandes banques centrales évoluent vers une normalisation de leur politique.

 

Economies émergentes

Alors que se termine le Congrès du Parti communiste chinois, les dirigeants chinois indiquent qu’ils sont prêts à accepter une croissance légèrement plus faible afin d’atteindre les objectifs de réduction du crédit et d’un développement plus écologique. Il s’avère que, parallèlement, les derniers indicateurs économiques signalent un léger ralentissement de la croissance pour le géant asiatique. Les pays producteurs de pétrole, tels que la Russie, continuent de bénéficier de la hausse des prix de l’or noir, mais les pays du Moyen-Orient souffrent d’une instabilité politique croissante en raison de la lutte d’influence effrénée entre l’Iran et l’Arabie saoudite. Au Mexique, l’activité est perturbée par les conséquences du tremblement de terre, mais devrait retrouver le chemin de la croissance avant les élections de l’année prochaine. La plupart des pays d’Europe orientale bénéficient de la solide dynamique de croissance de la zone euro, à l’exception peut-être de la Turquie, dont l’inflation reste supérieure à 10% et où le soutien de la relance budgétaire mise en œuvre avant le référendum diminue progressivement.

_Adrien Pichoud

Contrairement à la Fed, la BCE est loin d’entamer une normalisation de sa politique
Contrairement à la Fed, la BCE est loin d’entamer une normalisation de sa politique
Source
Bloomberg, Fed, BCE, BoJ, SYZ Asset Management Données au vendredi 17 novembre 2017

Investment Strategy Group - Synthèse et valorisations des actifs

Risque et duration

Notre évaluation du risque global du portefeuille a été de nouveau relevée de légère sous-pondération à légère surpondération en raison d’une faible correction constatée sur les marchés actions le mois dernier et des progrès significatifs dans le sens du vote de la loi sur la réforme fiscale aux Etats-Unis.

Si cette réforme – la législation phare de Donald Trump – est votée, ce qui paraît plus probable chaque jour, elle pourrait apporter un nouveau souffle au cycle d’activité économique des Etats-Unis et, par là même, aux marchés actions.

Un tel changement de politique amène inévitablement à s'interroger sur l’inflation et les futures fonctions de réaction de la banque centrale. Nous en sommes conscients et avons maintenu notre évaluation de la duration, bien que les marchés obligataires commencent à être plus attrayants qu’au cours des mois précédents.

Si la réforme fiscale américaine est votée, ce qui paraît plus probable chaque jour, elle pourrait apporter un nouveau souffle au cycle d’activité économique des Etats-Unis et, par là même, aux marchés actions.
Hartwig Kos

Marchés actions

Pour ce qui est de la préférence relative sur les marchés actions, nous n’avons procédé qu’à un seul ajustement. Le marché actions américain a été relevé de légère sous-pondération à légère surpondération. Ce rehaussement s’appuie sur la prise en compte de deux éléments:

tout d’abord, compte tenu de la nature plus défensive du marché actions américain, ce rehaussement implique une préférence plus marquée pour un positionnement défensif vis-à-vis du risque.

Par ailleurs, les valorisations des titres européens et japonais restent plus attrayantes que celles des valeurs américaines à l’heure actuelle. Toutefois, si, comme nous le prévoyons, la réforme fiscale est votée, les bénéfices des entreprises pourraient être fortement révisés à la hausse aux Etats-Unis, soutenant ainsi les valorisations des actions américaines.

 

Marchés obligataires

Au risque d’énoncer une évidence, les marchés obligataires restent chers. Cela reste vrai malgré les légères améliorations constatées sur les valorisations depuis l’été dernier.

Pour ce qui est des préférences régionales relatives au sein des marchés d’obligations souveraines des pays développés, notre évaluation des bons du Trésor a été relevée d’un cran à légère surpondération, alors que les obligations italiennes ont été rétrogradées à légère sous-pondération. Toutefois, l’allocation obligataire globale reste inchangée.

Les obligations émergentes font encore partie des meilleurs élèves au sein d’un univers obligataire peu performant, même si certains avantages de valorisation se sont érodés également. Toutefois, il subsiste des actifs sous-valorisés sur les marchés de la dette émergente qui offrent d’importantes opportunités d'investissement, à l’image des obligations turques en monnaie locale.

La plupart des participants du marché n’ont pas réagi à la récente chute de la livre turque. Cela rappelle pourtant la crise de l’an passé qui a vu la monnaie turque perdre un tiers de sa valeur face au dollar US et les rendements des obligations locales à 10 ans atteindre 11,6%.

A l’époque, les craintes prédominantes concernaient les risques géopolitiques et de sécurité ainsi que les vulnérabilités extérieures face au durcissement du ton de la Fed. En outre, l’année dernière, la baisse de la livre turque avait été accélérée par les inquiétudes entourant les fondements démocratiques du pays, sachant qu’en cas de victoire au référendum sur la réforme constitutionnelle prévu en mars 2017, le président Recep Tayyip Erdogan se verrait investi de pouvoirs beaucoup plus importants.

En janvier 2017, la Banque centrale de la République de Turquie (CBRT) a changé radicalement de politique en adoptant une position beaucoup plus rigoureuse et en procédant à un relèvement important du taux de financement effectif d’environ 8% à 12%. Ce n’est pas la première fois que la CBRT réalise une volte-face de politique monétaire pour soutenir la devise turque. En 2011 et 2014, la livre turque a subi des attaques importantes et, dans les deux cas, la banque centrale a resserré sa politique monétaire d’entre 500 et 600 pb pour la défendre.

Il subsiste des actifs sous-valorisés sur les marchés de la dette émergente qui offrent d’importantes opportunités d'investissement, à l’image des obligations turques en monnaie locale.
Hartwig Kos

Le contexte macroéconomique globalement positif a, pendant toute l’année ou presque, permis aux actifs turcs de récupérer une partie de leurs pertes. Pourtant, la livre turque est à nouveau sous pression depuis début septembre. Elle a perdu 16% de sa valeur et les taux des obligations locales à 10 ans ont augmenté de près de 250 pb, à 12,8%. Comme en 2016, les inquiétudes géopolitiques et les risques en matière de sécurité dominent. Les vulnérabilités extérieures ressurgissent sur fond de remontée du dollar et de durcissement du ton de la Fed; par ailleurs, Recep Tayyip Erdogan adopte une position plus agressive contre Murat Çetinkaya, gouverneur de la CBRT, concernant sa politique monétaire restrictive.

Néanmoins, la CBRT a jusqu’à présent fait ce qu'il fallait. Elle a enclenché une hausse du taux de financement effectif des banques, c’est-à-dire resserré sa politique monétaire pour défendre la livre turque, et il ne serait pas surprenant d’assister à une évolution marquée des taux d'intérêt comme en 2011 ou 2014. Par ailleurs, avec des rendements proches de 12%, à savoir un taux de portage de 1% par mois, et une devise sur des plus bas historiques, ce marché obligataire affiche clairement une prime de risque importante.

 

Marché des changes et liquidités

Aucun changement dans notre analyse.

_Hartwig Kos