Asset Allocation Insights

Notre point de vue mensuel sur l’allocation d’actifs (juillet 2017)

Mercredi, 08/02/2017

Le risque est soit que les anticipations économiques et d’inflation retombent brusquement, soit que les banques centrales commencent à se rendre compte que les effets secondaires de leurs politiques ultra-accommodantes deviennent plus importants que les bienfaits attendus. Nous sommes convaincus que la probabilité d’une récession devrait rester faible dans un avenir prévisible, en particulier sachant que les politiques monétaires restent inchangées.

Mercredi 02/08/2017 - 09:00
Luc Filip Head of Discretionary Portfolio Management
Fabrizio Quirighetti Macroeconomic Strategist
Hartwig Kos
Adrien Pichoud Chief Economist & Senior Portfolio Manager
  • La croissance est positive presque partout et les perspectives demeurent favorables pour le deuxième semestre.
  • Notre principale préoccupation est celle d’une remontée désordonnée de certaines courbes des taux sous l’effet d’une tentative de normalisation de la politique de la BCE et d’un relèvement des taux de la Fed en septembre.
  • Dans ce contexte, le positionnement global vis-à-vis du risque dans notre portefeuille multi-actifs reste légèrement positif (+), tandis que la sensibilité aux taux est maintenue à un niveau faible (--).
Les positionnements positifs ou négatifs à l'égard du sentiment de risque à l'échelle mondiale et des principales classes d’actifs sont notés sur une échelle qui compte six niveaux allant de (+++) à (---).
Grille d'allocation

Comment retirer les liquidités excédentaires sans engendrer une poussée de volatilité?

Imaginons une économie qui connaît une croissance réelle de 2,8% en rythme annuel en moyenne depuis 2009, avec une inflation qui commence seulement à s’accélérer cette année à 1,7% en mai, proche de l’objectif de 2% visé par la banque centrale. Le taux de chômage a chuté d’un plus haut de 9,3% début 2010 à 6,7% en mai dernier. L’on s’attend à ce qu’elle présente un budget équilibré et un excédent du compte courant supérieur à 4% cette année. Au regard de ces données, quelle orientation auriez-vous attendue de la part de la banque centrale dans ses récentes décisions en matière de politique monétaire? Un resserrement sous une forme quelconque ou un ton haussier? Pas du tout! Elle a non seulement décidé de maintenir son taux de référence à -0,5%, mais également d’accroître son programme d’assouplissement quantitatif. Cet exemple tiré de la situation constatée en Suède est riche d’enseignements sur le degré actuel de soutien apporté par les grandes banques centrales, dans un contexte qui s’est nettement amélioré depuis la crise financière. En d’autres termes, l’apport de la plupart des banques centrales est bien trop important aujourd’hui.

Le risque est soit que les anticipations économiques et d’inflation retombent brusquement, soit que les banques centrales commencent à se rendre compte que les effets secondaires de leurs politiques ultra-accommodantes deviennent plus importants que les bienfaits attendus. Nous sommes convaincus que la probabilité d’une récession devrait rester faible dans un avenir prévisible, en particulier sachant que les politiques monétaires restent inchangées. Cependant, notre principale préoccupation est celle d’une remontée désordonnée de certaines courbes des taux, notamment en Allemagne et aux Etats-Unis, sous l’effet d’une tentative de normalisation de la politique de la Banque centrale européenne (BCE), d’un relèvement des taux de la Réserve fédérale américaine (Fed) en septembre ou, dans une moindre mesure, de réformes budgétaires mises en œuvre par Donald Trump.

Dans ce contexte, la duration et le positionnement à l’égard du risque au niveau de nos portefeuilles multi-actifs ont été maintenus respectivement à sous-pondération (--) et légère surpondération (+). Nos préférences concernant l’allocation en actions penchent en faveur de certaines zones géographiques comme l’Europe (++) et le Japon (de – à +). A noter que les secteurs financier et industriel, le style «value» et les petites capitalisations devraient également être performants dans ce contexte plus difficile pour les marchés obligataires. A cet égard, les obligations nominales américaines, qui constituaient notre choix le «moins mauvais» en termes de duration cette année, ont été rétrogradées à légère sous-pondération (–), car nous anticipons des surprises positives dans la mesure où l’opinion consensuelle vis-à-vis de l’économie américaine est sans doute trop pessimiste désormais. S’agissant des devises, si l’euro (+) devrait continuer à s’apprécier par rapport à l’USD, nous ne pouvons toutefois écarter l’hypothèse d’un rebond temporaire et limité du dollar, conformément à nos prévisions prudemment optimistes à l’égard des Etats-Unis.

_Fabrizio Quirighetti

Contexte économique en bref

L’économie mondiale pose un problème de plus en plus complexe aux banques centrales. D’un côté, la croissance économique est positive presque partout et les perspectives demeurent favorables pour le deuxième semestre de cette année, les seules évolutions marquées portant sur la dynamique et la cyclicité. De l’autre, l’inflation commence déjà à ralentir et le pétrole ne saurait en être tenu seul responsable. D’où la position difficile dans laquelle se retrouvent la Fed et la BCE, tiraillées entre une croissance qui semble justifier la normalisation de la politique monétaire et une inflation inférieure au niveau cible qui plaide en faveur du maintien de politiques très accommodantes. Face à ce dilemme, la Fed a jusqu’ici choisi de poursuivre la normalisation qu’elle a entamée fin 2016, tandis que la BCE hésite à amorcer le retrait de ses mesures de soutien malgré l’apaisement des risques politiques. La baisse des cours du pétrole complique la situation, car elle aura pour effet d’alléger les pressions inflationnistes dans les prochains mois. La façon de résoudre cette opposition aura d’importantes conséquences pour les marchés des devises, des taux et des actions. Elle pourrait toutefois perdurer encore un temps.

 

Croissance

Dans un contexte d’accélération de l’économie mondiale, la zone euro et le Japon conservent l’avantage avec des taux de croissance qui déjouent les prévisions, jouissant d’une expansion de milieu de cycle soutenue par la politique très accommodante des banques centrales concernées. La croissance des pays émergents ralentit, mais reste positive, à l’exception du Brésil et de l’Afrique du Sud qui connaissent une récession du fait de facteurs intérieurs.

 

Inflation

Compte tenu des niveaux actuels de la croissance mondiale, les taux d’inflation sont déconcertants. Sans compter la disparition de l’effet de base lié aux cours du pétrole (et avant que l’impact du repli récent des prix du brut n’ait fait sentir ses effets), tous les indicateurs de prix ralentissent, y compris la croissance des salaires aux Etats-Unis. L’inflation ralentit aussi globalement parmi les marchés émergents, sous l’influence de l’appréciation de leur monnaie respective par rapport au dollar US.

 

Orientation des politiques monétaires

La poursuite de l’expansion économique, le recul des taux de chômage et l’apaisement des risques politiques en Europe laissent penser que la politique monétaire est susceptible de devenir progressivement moins accommodante désormais. Cependant, les banques centrales des pays développés sont confrontées à la baisse des taux d’inflation en deçà du niveau cible, hormis au Royaume-Uni où les arguments en faveur d’une normalisation de la politique monétaire sont sans doute plus manifestes.

«La façon de résoudre cette opposition entre croissance et inflation aura d’importantes conséquences pour les marchés des devises, des taux et des actions.»
Adrien Pichoud Chief Economist & Senior Portfolio Manager
Tendances et niveau de l’indice PMI manufacturier
PMI
Source
FactSet, SYZ Asset Management. Donées aux: 30 Juin 2017
Tendance de l’inflation et écart par rapport à l’objectif de la banque centrale
Inflation
Source
FactSet, SYZ Asset Management. Donées aux: 30 Juin 2017

Economies développées

L’économie américaine reste dans une phase de croissance économique régulière, mais décevante. Le ralentissement des agrégats de crédit pèse sur la consommation, qui était par ailleurs soutenue par la poursuite des créations d’emplois. Les dépenses d’investissement continuent à se redresser, mais pas suffisamment pour stimuler la croissance du PIB. De plus, certaines données subjectives, comme la confiance des consommateurs, reculent par rapport à leurs sommets post-élections, dénotant un manque de dynamique. En parallèle, l’inflation ralentit contre toute attente, évolution dont la Fed a choisi de ne pas tenir compte en juin, puisqu’elle a rehaussé le taux des Fed Funds et dévoilé son plan relatif à la réduction progressive de la taille de son bilan. Au regard des tendances actuelles, il est difficile d’imaginer une amélioration sensible au deuxième semestre 2017, sinon à supposer que Donald Trump et le Congrès parviennent à mettre en œuvre les baisses d’impôts tant attendues.

La toile de fond économique de la zone euro reste relativement positive, avec une forte expansion en Allemagne et en Espagne et une croissance solide dans la plupart des pays membres de l’union monétaire. Dans la mesure où la région est moins avancée dans le cycle économique et présente un taux de chômage plus élevé ainsi que des rigidités structurelles, il est moins surprenant qu’aux Etats-Unis de voir l’inflation rester faible dans la zone euro, mais cette situation incite toutefois la BCE à une plus grande prudence. Au Royaume-Uni, la Banque d’Angleterre est confrontée au scénario inverse, avec une accélération de l’inflation (au-delà du niveau cible), tandis que la croissance s’essouffle car la demande intérieure se heurte à la diminution du pouvoir d’achat réel. Un nombre croissant de membres du Comité de politique monétaire semble désormais disposé à relever les taux par rapport à leurs plus bas post-référendum sans trop tarder.

 

Economies émergentes

L’économie chinoise connaît un très léger ralentissement, alors que les conditions de crédit brident les prix immobiliers et l’investissement. Cependant, la consommation reste ferme et maintient le taux de croissance du PIB au rythme de 6,5% qu’il affiche depuis 18 mois. D’une manière générale, la dynamique de croissance des pays émergents est moins forte que celles des pays développés, dans un contexte de politiques monétaires plus restrictives. La réapparition des remous politiques au Brésil menace la reprise en cours du pays et pourrait retarder sa sortie de la récession, ce qui est également le cas en Afrique du Sud.

_Adrien Pichoud

Investment Strategy Group: l’essentiel

Risque et duration

Aucun changement n’est à signaler concernant notre évaluation du risque. Nous conservons un degré modéré de propension au risque, tout en restant peu enclins à accroître notre exposition à la duration. Bien que la tendance des marchés soit restée globalement constante depuis l’élection présidentielle française et qu’ils aient consolidé une partie des gains engrangés plus tôt dans l’année, plusieurs facteurs potentiels de risque futur ont disparu. La crainte d’élections anticipées en Italie, qui a provoqué une forte correction du marché fin mai, semble avoir été sans fondement. De plus, la large majorité remportée par Emmanuel Macron et son mouvement «En Marche !» aux élections législatives françaises permet de penser que les réformes attendues de longue date sont susceptibles d’être mises en œuvre en France. Angela Merkel a renforcé son pouvoir au plan national en remettant Donald Trump à sa place lors du sommet de l’OTAN dans le sud de l’Italie, rendant le résultat des élections fédérales allemandes de plus en plus prévisible. Enfin, les résultats décevants obtenus par Theresa May aux élections législatives britanniques début juin renforcent les appels à un «Brexit» plus souple. Cependant, des risques potentiels subsistent: le niveau élevé des valorisations dans l’ensemble des grandes classes d’actifs, le ralentissement prononcé de l’économie chinoise et le caractère totalement imprévisible des politiques de Donald Trump demeurent des sujets de préoccupation. Pour le moment, ces sujets ne sont pas encore d’importance suffisante pour justifier un changement de notre opinion à l’égard du risque.

«Du point de vue des valorisations, le Japon est clairement le plus attractif parmi les marchés actions occidentaux.»
Hartwig Kos

Actions

La situation des marchés actions a peu évolué du point de vue des valorisations. Les Etats-Unis continuent de sembler relativement plus onéreux par rapport aux autres marchés occidentaux, le Royaume-Uni présentant les valorisations les plus attractives parmi les principaux marchés selon notre évaluation des primes de risque des actions. L’attrait prononcé du marché britannique, allié à la possibilité d’un nouveau repli de la livre sterling à l’entame des négociations sur le «Brexit», nous a amenés à rehausser notre opinion sur ce marché de légère sous-pondération à légère surpondération. Les actions japonaises paraissent de plus en plus attrayantes depuis quelques mois. Elles sont avantageusement positionnées en termes de prime de risque, l’activité économique se redresse depuis le début de l’année, et la politique monétaire reste très favorable. Dans le même temps, la croissance des bénéfices des entreprises est solide. Par le passé, les investisseurs se fondaient sur des indicateurs tels que le ratio cours/valeur comptable pour évaluer l’attractivité du marché actions japonais. Ce choix tient au fait que les conditions déflationnistes au Japon avaient pour effet de gonfler les ratios cours/bénéfices des actions japonaises. Bien que l’environnement inflationniste global ait peu changé, les ratios cours/valeur comptable et cours/bénéfices indiquent dans les deux cas que le marché japonais est attractif. Si l’on considère le ratio cours/valeur comptable à 12 mois, le Topix se négocie à 1,26, soit moins de la moitié du niveau du S&P 500 (2,96), tandis que l’indice Stoxx 600 se négocie à 1,84. Le Topix affiche un ratio cours/bénéfices à 12 mois de 14,2, contre 18,6 pour le S&P 500 et 15,8 pour le Stoxx 600. Par rapport aux Etats-Unis, les valorisations au Japon sont clairement de plus en plus attractives. Cependant, l’attention des investisseurs s’est concentrée sur les marchés émergents, compte tenu de la faiblesse escomptée du dollar et de l’embellie en Europe. Les actions japonaises étaient jugées vidées de leur substance par la vigueur du yen. La Fed adoptant désormais un ton plus incisif et Mario Draghi évoquant finalement le retrait de la politique monétaire accommodante de la BCE, le risque de nouvelle appréciation du yen est moins prononcé qu’auparavant. Cette évolution pourrait inciter les investisseurs à se tourner de nouveau vers les actions japonaises.

«Alliées au repli du billet vert, les conditions monétaires sont désormais plus accommodantes aux Etats-Unis en dépit des trois relèvements des taux ces derniers mois. Les investisseurs font une nouvelle fois preuve d’un optimisme exagéré quant à la possible trajectoire des taux d’intérêt de la Réserve fédérale.»
Hartwig Kos

Marchés obligataires

Au risque de marteler encore et encore le même message, les marchés obligataires restent onéreux et demeurent un facteur de risque important en ce qui concerne les valorisations des actions. Dans l’univers du revenu fixe, les obligations émergentes en monnaie forte et en monnaie locale restent le segment le moins inopportun. Cependant, ces dernières se montrent elles-mêmes de plus en plus onéreuses, ce qui a induit des rétrogradations continues des opinions concernant les différents pays dans l’un et l’autre segment ces derniers mois. La dernière rétrogradation en date concerne la Pologne, qui se situait vers le milieu de notre échelle de préférences s’agissant des obligations en monnaie forte et constituait l’un de nos marchés favoris s’agissant de celles en monnaie locale. Les valorisations dans le cas de la duration de haute qualité restent extrêmement tendues. Si l’on prend par exemple les bons du Trésor américain, le taux à 5 ans dans 5 ans, qui mesure les rendements à 5 ans à un horizon de cinq ans (un indicateur du niveau futur escompté des taux d’intérêt) s’établit actuellement à 2,8%. Ce niveau est inférieur de 40 points de base (pb) à celui de décembre 2016, qui marque le point haut le plus récent des rendements. Durant le même laps de temps, le niveau à 5 ans dans 5 ans de la prime de terme, qui reflète la rémunération supplémentaire que perçoivent les investisseurs pour le risque d’évolution inattendue des taux d’intérêt à court terme, est passé de près de 0,43% à -0,32%. Cet ajustement de 75 pb est équivalent aux trois hausses des taux d’intérêt intervenues durant la même période. Cela signifie qu’alliées au repli du billet vert, les conditions monétaires sont désormais plus accommodantes aux Etats-Unis en dépit des trois relèvements des taux, et que les investisseurs font une nouvelle fois preuve d’un optimisme exagéré quant à la possible trajectoire des taux d’intérêt de la Réserve fédérale. Par conséquent, les bons du Trésor américain, qui constituaient notre segment favori des marchés obligataires des pays développés, ont été rétrogradés de légère surpondération à légère sous-pondération. Dans le même temps, les obligations allemandes indexées sur l’inflation semblent plus attractives à la marge, mais sont maintenues à sous-pondération, contre forte sous-pondération auparavant.

 

Marché des changes, produits alternatifs et liquidités

Aucun changement dans notre analyse.

_Hartwig Kos