Asset Allocation Insights

Notre point de vue mensuel sur l’allocation d’actifs (octobre 2018)

Mardi, 10/23/2018

Bien que les causes et les symptômes d’une dynamique de fin de cycle soient légitimes, nous restons toutefois positifs et conservons notre propension au risque sur les marchés des actions et des obligations. La stabilisation de la croissance mondiale (qui demeure positive bien qu’elle ralentisse) était attendue, mais cette «consolidation» de la croissance se montre inégale lorsque l’on examine la performance des différents pays. S’agissant de l’allocation régionale, les États-Unis restent notre région favorite, mais à un moindre degré toutefois en faveur de l’Europe et du Japon où nous décelons un potentiel intéressant. Enfin, les chiffres sur le front de l’inflation restent orientés à la hausse - une tendance qui sans être réellement inquiétante à ce stade mérite toutefois d’être surveillée étroitement.

Mardi 23/10/2018 - 08:28
Fabrizio Quirighetti Macroeconomic Strategist
Maurice Harari Senior Portfolio Manager
Adrien Pichoud Chief Economist & Senior Portfolio Manager
Luc Filip Head of Discretionary Portfolio Management

Le cycle n’est pas (encore) arrivé à son terme

Les inquiétudes récurrentes sur les causes possibles (par exemple, les tarifs douaniers) ou symptômes (par exemple, l’aplatissement de la courbe des taux) de la fin de cycle de l’économie américaine sont légitimes à ce stade, mais n’en restent pas moins prématurées. Si la déception paraît inévitable après la croissance supérieure aux prévisions de ces derniers trimestres, il ne s’agira pas d’une récession en bonne et due forme, tant que l’inflation reste maîtrisée et que la politique monétaire ne devient pas trop restrictive. Comme le dit l’adage: «Le cycle ne meurt que quand la Fed se tire une balle dans la tête», que ce soit à l’occasion d’un faux pas politique ou à cause de l’inflation.

Si l’on applique le même raisonnement pour l’Europe, compte tenu de la position actuelle de la BCE et du niveau de l’inflation sous-jacente, il est inutile de s’inquiéter outre mesure des performances économiques médiocres de la zone euro. Ces dernières sont imputables, dans une certaine mesure, aux économies du bloc qui produisent moins que leur potentiel.

La demande intérieure continue d’afficher un potentiel de rattrapage important. Ainsi, en l’absence de signes annonciateurs d’exubérance économique, nous pourrions assister à une période de contraction prolongée. Fait encourageant, associés à une croissance respectable à forte ailleurs sur le continent, des signes récents et tangibles de stabilisation de l’activité de la zone euro devraient rétablir la confiance, si l’on fait abstraction du feuilleton du budget italien.

Enfin, en Chine, le gouvernement s’efforce désormais d’atténuer et d’inverser indirectement le ralentissement de l’expansion du crédit qu’il a orchestré l’an dernier. La reprise de l’activité de la Chine, qui est toujours prévue, devrait contribuer à l’amélioration du sentiment vis-à-vis des actions non américaines et des actifs émergents en particulier.

Par conséquent, nous n’avons pas modifié notre positionnement principal qui consiste à préférer les actions aux obligations. Du point de vue tactique, nous avons relevé la pondération des actions japonaises et de la zone euro, si bien que notre préférence relative pour les actions américaines, si elle subsiste, a été indirectement réduite. Tant qu’il y a de la musique, il faut continuer de danser.

_Fabrizio Quirighetti

Contexte économique en bref et analyse globale

L’économie mondiale entame le quatrième trimestre dans une situation de «stabilisation instable». Plusieurs des problèmes de cet été ont progressivement perdu de leur gravité. La demande intérieure solide en Europe soutient l’activité économique, en dépit du ralentissement continu des secteurs industriels orientés vers l’exportation. Les premiers signes de stabilisation de la croissance en Chine, qui doivent encore être confirmés, sont apparus, ce qui suggère que les stimulations monétaires et fiscales commencent progressivement à faire effet sur l’économie. Alors que le résultat final de la guerre commerciale en cours entre les États-Unis et la Chine, des négociations sur le Brexit et de la politique fiscale que va mener le gouvernement italien est difficile à prédire, les risques liés à ces trois enjeux sont désormais mieux connus et pris en compte par les marchés financiers. Les négociations de l’Argentine pour obtenir l’assistance du FMI ont permis de retenir la chute du peso, alors que la hausse des taux non négligeable, quoique tardive, effectuée par la Banque centrale turque a enfin permis de fixer un seuil aux prix des actifs turcs. Autant de développements bienvenus après un été particulièrement volatil.

Alors que l’automne approche, ces conditions permettent aux marchés financiers de reporter leur attention sur la normalisation en cours de la politique monétaire américaine et sur l’abandon progressif de l’assouplissement quantitatif dans la zone euro. Cependant, la plupart des questions de ces derniers mois ne sont pas encore réglées de façon définitive et pourraient revenir hanter les pensées des investisseurs dans un futur proche. Les investisseurs devraient également se méfier de l’agenda politique américain, les élections de mi-mandat étant susceptibles de plomber les Trumponomics, qui ont été si favorables aux actions américaines et au dollar. Par conséquent, la stabilisation du marché pourrait ne pas faire long feu.

 

Croissance

Les divergences en termes de croissance observées depuis le début de l’année entre l’économie américaine et le reste du monde, Europe et Chine en tête, ont cessé de s’élargir. En d’autres termes, la croissance mondiale devrait adopter un rythme de croisière positif, mais plus lent.

La dynamique de croissance ralentit dans les pays émergents et se stabilise en Europe
La dynamique de croissance ralentit dans les pays émergents et se stabilise en Europe
Source
SYZ Asset Management. Données au: 20 sept. 18

Inflation

L’inflation continue d’afficher une tendance haussière très faible dans les pays développés, alimentée par un mélange de hausse des salaires, ce qui donne aux commerçants de détail une mesure du pouvoir d’achat, et de hausse des prix de l’énergie. Le marché des changes reste le principal facteur déterminant de la dynamique d’inflation des marchés émergents (ME).

 

Orientation des politiques monétaires

De manière générale, la politique monétaire devient moins accommodante à travers le monde, à mesure que les Etats-Unis normalisent leurs taux et que plusieurs banques centrales de marchés émergents importants changent de cap. Cependant, quelques zones économiques clés continuent de profiter de conditions de financement accommodantes, comme l’Europe, le Japon et la Chine.

Economies développées

Alors que les données américaines continuent de dépeindre un contexte de croissance plutôt forte, on perçoit de premiers signes de ralentissement de la dynamique économique. Il ne s’agit en aucun cas d’un ralentissement complet de la croissance, les stimulations fiscales et la faiblesse du chômage continuant de soutenir la demande intérieure. Cependant, la probabilité qu’elle continue de s’accélérer, voire qu’elle connaisse une expansion soutenue de 4% en rythme annualisé, est limitée. Pourtant, elle est suffisante pour que la Fed maintienne la normalisation de sa politique monétaire pour le moment.

Dans la zone euro, les vents cycliques contraires, et notamment les tensions commerciales mondiales et la croissance atone de la Chine, continuent de peser sur les secteurs industriels. En revanche, la demande intérieure solide assure la stabilisation du secteur des services, à l’exception notable de l’Italie, où l’incertitude politique affaiblit la dynamique économique. Dans ce contexte, la BCE a confirmé son intention d’abandonner progressivement son programme d’assouplissement quantitatif au quatrième trimestre, tout en reconnaissant que les risques baissiers pesant sur les perspectives ont «gagné en importance récemment». L’incertitude caractérise également la situation du Royaume-Uni, les négociations sur le Brexit semblant au point mort alors que la date limite pour trouver un accord approche à grands pas.

Les catastrophes naturelles risquent de peser temporairement sur l’économie japonaise, mais la dynamique de croissance sous-jacente reste positive, soutenue par la demande intérieure et la dépréciation du yen, qui profite aux exportations.

 

Economies émergentes

Le ralentissement de la dynamique de croissance et les politiques monétaires plus restrictives se sont propagés à la majorité des pays émergents.

Cette situation est particulièrement manifeste en Turquie, en Argentine et en Afrique du Sud. L’effondrement monétaire dans un contexte de déficit étendu des comptes courants a incité les banques centrales à adopter un ton plus ferme et les dépenses publiques ont dû être réduites, ce qui a immédiatement pesé négativement sur la confiance et l’activité économiques.

Hormis ces cas désespérés, le ralentissement de la croissance en Chine affecte également la dynamique du cycle économique dans l’ensemble des marchés émergents. Les pressions baissières cumulées sur les devises des marchés émergents ont contraint plusieurs banques centrales à durcir leur politique monétaire afin de contenir les pressions inflationnistes. Cependant, les stimulations de la politique monétaire et fiscale chinoises devraient finir par soutenir la croissance et contribuer à stabiliser les marchés émergents.

_Adrien Pichoud

Récession en Turquie, en Afrique du Sud et en Argentine, la Chine continue de ralentir
Récession en Turquie, en Afrique du Sud et en Argentine, la Chine continue de ralentir
Source
Factset, SYZ Asset Management. Données au: 20 sept. 18

Analyse de l’équipe Asset Valuations & Investment Strategy Group

Risque et duration

La toile de fond économique reste positive et les valorisations ne se sont pas détériorées. A la marge, elles se sont améliorées dans la zone euro, avec des signes tangibles de stabilisation de l’activité en Europe.

Parallèlement, les banques centrales de certains pays émergents prennent les mesures nécessaires — la Banque centrale turque a par exemple relevé ses taux plus que prévu — et nous pensons que l’USD ne va s’apprécier que de façon minime par rapport aux niveaux actuels. Nous prévoyons également une amélioration de l’activité chinoise, ce qui devrait apporter un soutien supplémentaire aux actifs plus risqués. Ainsi, nous n’avons pas modifié notre évaluation du risque, qui reste donc à «préférence».

Sur le plan de la duration, si nous jugeons prématuré de l’augmenter, nous ne sommes pas inquiets outre mesure, tant que les taux augmentent au même rythme que la croissance nominale. Par conséquent, nous conservons une «légère sous-pondération» sur la duration.

 

Marchés actions

Nous avons apporté quelques changements à notre allocation en actions. Premièrement, nous avons relevé le Japon et la zone euro à une «légère surpondération», réduisant ainsi de manière indirecte notre préférence relative pour les actions américaines. En ce qui concerne l’allocation sectorielle, en Europe, nous avons augmenté la pondération des valeurs financières et continuons de privilégier l’énergie et les valeurs pharmaceutiques, alors qu’aux Etats-Unis, l’énergie et les valeurs industrielles gardent notre faveur.

Nous sommes d’avis qu’il existe un potentiel de rattrapage pour ces marchés et secteurs dans un contexte d’amélioration des conditions macroéconomiques dans le reste du monde et de hausse des taux globale dans les marchés développés. Nous pensons qu’à l’avenir, les actions américaines ne vont pas beaucoup s’apprécier davantage. Les États-Unis ne seront pas le principal bénéficiaire de la reprise ou du rebond économique qui va se produire dans le reste du monde. Néanmoins, les marchés américains restent le meilleur investissement ajusté du risque au sein de l’univers des actions.

En ce qui concerne les marchés émergents, nous continuons de tenir à l’œil la Chine en vue d’un éventuel rehaussement. Elle bénéficie actuellement d’une «légère surpondération». Nous attendons qu’un catalyseur dissipe les nuages planant sur les actions chinoises et que les résultats des mesures de stimulation intérieure accrues compensent les inquiétudes entourant les conditions commerciales, qui commencent à être exagérées.

Enfin, nous avons diminué la pondération des actions britanniques à «légère sous-pondération», la volatilité augmentant lors des dernières étapes de négociations relatives au Brexit. Nous craignons que la livre sterling et le marché actions britannique évoluent au même rythme, un risque binaire que nous ne souhaitons pas prendre.

«Les actions américaines restent le meilleur investissement ajusté du risque dans cette classe d’actifs, mais on peut toujours trouver de la valeur dans les actions japonaises et de la zone euro.»
Maurice Harari Senior Portfolio Manager

Marchés obligataires

En ce qui concerne l’exposition obligataire, nous n’avons effectué aucun changement ces deux derniers mois, compte tenu du relèvement cet été à «légère sous-pondération» du crédit investment grade, le segment obligataire à haut rendement restant sous-pondéré.

Nous continuons de privilégier les emprunts d’Etat nominaux, qui sont légèrement surpondérés, au détriment des obligations indexées sur l’inflation ou «linkers», lesquelles sont légèrement sous-pondérées, en raison de la dynamique de leur valorisation et du contexte économique favorable. Les taux réels devraient augmenter à mesure que les banques centrales des pays développés mettent un terme à leur programme d’assouplissement quantitatif et commencent à normaliser leurs taux sans véritable accélération de l’inflation.

Nous avons relevé d’un cran les pondérations du Japon et de l’Allemagne, qui sont désormais respectivement «sous-pondéré» et «légèrement sous-pondérée», si bien qu’ils rivalisent désormais avec les bons du Trésor américains, couverts dans les devises de référence.

Dans les marchés émergents, nous restons surpondérés dans la dette en monnaie étrangère, qui est «légèrement surpondérée» aux dépens de la dette locale, qui est «légèrement sous-pondérée».

 

Marché des changes, produits alternatifs et liquidités

Nous n’avons procédé à aucun changement dans notre analyse ce mois-ci. Nous maintenons notre «légère surpondération» de l’euro et du yen japonais au détriment du dollar US.

_Maurice Harari