Godot est enfin arrivé. Neuf ans et trois programmes d’assouplissement quantitatif plus tard (QE 1, 2 et 3), la Réserve fédérale américaine (Fed) a commencé à alléger son bilan en octobre. Alors que la Banque centrale européenne (BCE) se prépare à réduire ses mesures d’assouplissement quantitatif, la Fed a quant à elle déjà amorcé la diminution de son bilan et le processus de normalisation de sa politique monétaire. En plus d’être solides, les Etats-Unis ont toujours une longueur d’avance...
...et leurs décisions sont loin d’être farfelues! Ils veillent à ne pas effrayer les marchés, qui font partie des grands gagnants de leur politique extrêmement accommodante. Si, à l’instar de Janet Yellen et de la plupart des banquiers centraux, vous êtes interloqué par la «mystérieuse» disparition de l’inflation des prix des biens et services, force est de constater que la politique monétaire de la Fed a eu les effets escomptés sur les prix des actifs financiers et immobiliers. La banque centrale américaine opte donc pour la prudence: elle arrêtera simplement de réinvestir certains coupons et obligations arrivant à échéance. Elle limitera dans un premier temps l’allègement automatique, mais très contrôlé de son bilan, à 10 milliards de dollars par mois et l’augmentera progressivement à 50 milliards de dollars. La réduction du bilan ne devrait donc pas dépasser 300 milliards de dollars en 2018 et 600 milliards de dollars l’année suivante. En bref, ce sera comme «regarder la peinture séchée», estime Janet Yellen.
Mais les marchés et les investisseurs, dont nous faisons partie, sont inquiets. Les taux d’intérêt américains à long terme (s’ils augmentaient trop rapidement) et le marché du crédit (si les liquidités venaient à se volatiliser) sont en effet sources d’inquiétudes. Cela s’apparente en quelque sorte au malaise que l’on peut éprouver au moment du décollage d’un avion lorsque l’on envisage brièvement la survenance, certes improbable, mais néanmoins possible, d’une catastrophe. Mais restons positifs et ne cédons pas à la panique. Bien que les Etats-Unis et la Fed soient des acteurs majeurs de la finance et de l’économie mondiales, d’autres banques centrales importantes, telles que la BCE et la Banque du Japon (BoJ) continueront à augmenter leur bilan. Le montant net des bilans des grandes banques centrales poursuivra donc sa progression l’an prochain. Par ailleurs, les taux d’intérêt restant quasi nuls dans la plupart de ces pays, il est peu probable que les taux longs américains montent en flèche. Enfin, la réaction du marché à l’annonce de la réduction du bilan de la Fed, ou de son durcissement monétaire via des hausses de taux (la prochaine étant susceptible de se produire dès le mois de décembre), dépendra également du contexte économique. Difficile d’imaginer par exemple une correction des emprunts d’Etat américains uniquement liée au durcissement monétaire si la croissance nominale venait à chuter...
On n’a jamais vu de phases d’expansion économique et de hausse des marchés mourir de vieillesse. Il est donc encore trop tôt pour s’inquiéter. Et je ne dis pas cela simplement pour me rassurer!
_Fabrizio Quirighetti