Asset Allocation Insights

Notre point de vue mensuel sur l’allocation d’actifs (mars 2018)

Mercredi, 03/28/2018

Le regain de volatilité du début de février s’expliquait par le dénouement du large consensus «Boucle d’or»: l’inflation progresse désormais en direction des principaux objectifs fixés par les banques centrales des grands pays développés.

Mercredi 28/03/2018 - 14:00
Fabrizio Quirighetti Macroeconomic Strategist
Hartwig Kos
Adrien Pichoud Chief Economist & Senior Portfolio Manager
Luc Filip Head of Discretionary Portfolio Management
  • Les indicateurs économiques sont toujours orientés vers une forte expansion de l’économie mondiale.
  • Le retour de la volatilité fait planer l’incertitude sur les marchés tout en offrant des opportunités.
  • Notre sentiment de risque global reste légèrement positif, avec une préférence pour les actions.

Le facteur sonne toujours deux fois

Le regain de volatilité du début de février s’expliquait par le dénouement du large consensus «Boucle d’or»: l’inflation progresse désormais en direction des principaux objectifs fixés par les banques centrales des grands pays développés. Nous ne pensons pas qu’elle va échapper à tout contrôle et les banques centrales devraient par conséquent parvenir à une normalisation progressive, en phase avec l’orientation de la croissance nominale. Les valorisations devront donc être revues à un niveau quelque peu inférieur. Nous pensons que ce n’est toutefois pas le début d’une période de marché baissier importante et durable car la croissance des bénéfices ne s’effondrera pas dans un avenir proche.

La clé consistera à trouver un nouvel équilibre en appliquant un multiple courant inférieur à des bénéfices qui devraient être supérieurs. Théoriquement, cette phase d’ajustement devrait être très progressive. Toutefois, dans la pratique, il est maintenant prévisible qu’elle connaisse de violents bouleversements, provoqués parfois par des craintes exagérées ou infondées. Cette incertitude accrue, comparée au vaste consensus «Boucle d’or» de l’an dernier, peut donner naissance à de considérables occasions pour ceux qui gardent la tête froide et adoptent une gestion tactique de ces marchés en dents de scie. Comme le facteur sonne toujours deux fois, il y a fort à parier que le démon de l’inflation et son corollaire, le spectre d’un repli des marchés obligataires, reviennent hanter les investisseurs au cours des mois à venir.

Ce phénomène a déjà vu la nette amélioration des valorisations des obligations nominales, qui se sont ajustées au durcissement de la communication de la banque centrale et à l’orientation à la hausse de l’inflation. Par rapport à la situation quelques mois en arrière, nous devrions donc être plus sereins au sujet de la duration, notamment du fait que la dynamique de la croissance économique et les indices de surprises économiques ne s’accélèrent plus (la dynamique s’essouffle et les indices de surprises économiques reculent). Nous relevons donc tactiquement notre positionnement sur la duration à «légère sous-pondération». En termes clairs, les taux à long terme devraient se stabiliser ou évoluer dans une fourchette étroite au cours des semaines à venir. Il peut en résulter une stabilisation et peut-être même un rebond des prix des actifs risqués. Les signes de surchauffe étant moins nombreux, les taux et l’inflation ne devraient pas continuer à grimper et les valorisations ne devraient pas enregistrer de recul supplémentaire, du moins à court terme. Dans ce contexte, nous maintenons le profil de risque général du portefeuille sur «légère surpondération».

Si la fin du marché haussier n’a pas sonné, une correction n’est pas non plus exclue. Entre avril et juin, il se peut en effet que les marchés soient bouleversés par une deuxième vague de pressions haussières sur les taux, les effets de base de l’inflation étant moins favorables (c’est-à-dire que le taux d’inflation annuel peut connaître un rebond temporaire). D’après notre analyse du cycle économique, notre examen de la valorisation des actifs et notre cadre d’équilibrage des risques, nous devrions pouvoir nous prémunir tactiquement contre le prochain pic de volatilité. Malheureusement, l’inflation s’apparente parfois à un chien qui aboie plus fort qu’il ne mord.

_Fabrizio Quirighetti

Contexte économique en bref et analyse globale

La croissance économique mondiale restant solide et allant même jusqu’à accélérer, ce qui était inévitable finit par se produire: l’inflation rebondit de son niveau anormalement bas observé en 2017. Cela démontre que la Réserve fédérale avait raison lorsqu’elle considérait la faiblesse des pressions inflationnistes comme un phénomène transitoire appelé à disparaître. Par ailleurs, si cette évolution a sans doute le potentiel de continuer à stimuler la volatilité des marchés financiers, elle doit être considérée comme une confirmation de la dynamique actuelle de croissance mondiale.

La croissance des salaires et de l’inflation aux Etats-Unis devrait faciliter la tâche du nouveau Président de la Fed au cours des semaines à venir. Alors que Janet Yellen s’est vu dans l’obligation de justifier, pendant une grande partie de 2017, pourquoi la Fed relevait les taux malgré le ralentissement de l’inflation, l’effet combiné de solides indicateurs de croissance et de l’amélioration des indices d’inflation facilitent grandement la tâche de M. Powell pour procéder à de nouvelles hausses de taux.

En revanche, la BCE aura plus de difficultés: malgré l’exemple de la Fed et une forte pression dynamique du cycle économique en faveur d’une accélération du rythme de la normalisation de la politique monétaire, Mario Draghi ne doit pas perdre de vue que la zone euro est beaucoup moins avancée dans son cycle d’expansion que les Etats-Unis. En effet, les taux de chômage y sont encore élevés et l’inflation n’est pas encore entrée dans une dynamique de «rattrapage» semblable à celle des Etats-Unis. Suivre le sillage de la Fed présente un risque de réaction trop précoce et d’affaiblissement de la croissance économique actuelle attendue de longue date. En ne le faisant pas, il court le risque de passer à côté d’une opportunité potentiellement rare...

 

Croissance

Tous les indicateurs économiques continuent de signaler une expansion solide et marquée de l’économie mondiale, les marchés développés affichant toujours la meilleure dynamique. Il semble toutefois que les économies émergentes rejoignent finalement la «ronde» de la croissance mondiale après avoir montré une dynamique quelque peu inférieure pendant la majeure partie de 2017.

 

Inflation

Parallèlement, il est intéressant de constater que si l’inflation commence à repartir à la hausse dans bon nombre d’économies développées, elle a plutôt tendance à ralentir dans les économies émergentes. La stabilisation des marchés des changes, souvent au prix de politiques monétaires restrictives, contribue à contenir les taux d’inflation.

 

Orientation des politiques monétaires

Les dernières données sur l’inflation indiquent une nouvelle suppression des politiques monétaires accommodantes de la Fed au cours des prochains moins, peut-être suivie, à plus ou moins long terme, par d’autres grandes banques centrales des marchés développés. En revanche, les banques centrales des marchés émergents pourraient devenir moins restrictives à la marge.

«L’inflation pointe finalement le bout de son nez aux Etats-Unis!»
Adrien Pichoud Chief Economist & Senior Portfolio Manager
Tendances et niveau de l’indice PMI manufacturier
PMI
Source
Factset, Markit, SYZ Asset Management. Données au 23 février 2018
Tendance de l’inflation et écart par rapport à l’objectif de la banque centrale
Inflation
Source
Factset, Markit, SYZ Asset Management. Données au 23 février 2018

Economies développées

L’inflation pointe finalement le bout de son nez aux Etats-Unis! Aucune inquiétude à avoir: elle est loin d’atteindre les épisodes de panique suscités par les risques inflationnistes de la fin des années 1960 et des années 1970. La récente hausse des salaires et des prix révèle simplement que les conditions de l’inflation rattrapent l’amélioration du contexte de la croissance observée en 2017. Il est important de noter que cette dynamique a été anticipée par la Fed l’an dernier et qu’elle était donc déjà prise en compte dans ses projections économiques. Pourtant, le nouveau Président de la Fed et ses homologues seront probablement rassurés par le retour de l’inflation car elle soutient leur programme de hausse progressive des taux - d’autant plus que les indicateurs du cycle économique pointent toujours vers une solide expansion économique et que la relance budgétaire insufflera un nouvel élan à l’activité au cours des mois à venir.

En Europe, dans l’ensemble, la zone euro continue à afficher une solide croissance économique. L’expansion de milieu de cycle ne faiblit pas, la baisse du chômage et les conditions financières avantageuses tirant la consommation et l’investissement. La situation est à ce point positive qu’il est difficile d’imaginer une amélioration supplémentaire. En revanche, les perspectives pour les mois à venir indiquent désormais un ralentissement de la dynamique de croissance exceptionnelle des derniers trimestres. L’inflation demeure très faible et l’appréciation de l’euro de 15% par rapport au dollar l’an dernier limite les pressions sur l’inflation importée, notamment par la maîtrise de l’impact sur la hausse des cours du pétrole. La dynamique positive du cycle économique a peut-être également atteint sa limite chez les voisins de la zone euro, comme la Suède et la Suisse. Au Royaume-Uni, les incertitudes liées au Brexit et la remontée de l’inflation pèsent quelque peu sur l’évolution de la croissance mais la résilience du cycle économique et une inflation supérieure au niveau cible amènent la Banque d’Angleterre à resserrer sa politique monétaire.

 

Economies émergentes

Les économies émergentes ont vu leur dynamique de croissance s’améliorer au cours des premières semaines de 2018. Si elles restent en décalage par rapport à la progression enregistrée dans les pays développés en 2017, elles semblent finalement se joindre à l’euphorie de la croissance mondiale. Cette situation peut s’expliquer par l’effet combiné de plusieurs facteurs positifs, dont la plupart sont liés à la fin de l’appréciation du dollar américain. Elle permet, premièrement, aux économies exportatrices de profiter des avantages d’une solide demande finale aux Etats-Unis et en Europe sans compenser l’impact de l’effet de change. La relative stabilisation des marchés des changes contribue également à réduire les pressions inflationnistes et soutient, par conséquent, la demande intérieure des pays émergents. Enfin, elle permet également aux banques centrales des pays émergents d’assouplir quelque peu leur orientation de politique monétaire restrictive.

L’impact des événements politiques est mitigé; la démission de Jacob Zuma en Afrique du Sud suscite un net soulagement tandis que l’approche des élections au Brésil et au Mexique entretient le sentiment d’incertitude concernant les perspectives économiques. L’effet de la hausse des cours du pétrole est également mitigé. Elle donne en effet de l’élan aux pays producteurs mais pèse sur les pays importateurs, en particulier ceux qui sont en proie à une balance courante plutôt faible. Si les répercussions des taux de change sont positives pour toutes les grandes économies des marchés émergents, les événements politiques et les évolutions des cours du pétrole pourraient bien être les principaux facteurs de différenciation en 2018.

_Adrien Pichoud

La hausse des salaires et de l’inflation finit par s’intensifier
ÉTATS-UNIS
Source
Factset, SYZ Asset Management. Données au 23 février 2018

Investment Strategy Group - Synthèse et valorisations des actifs

Risque et duration

Le mois de février a enregistré une hausse significative des rendements obligataires, des reculs très marqués des marchés actions et un rebond de la volatilité sur les marchés actions, qui était prévu de longue date. Toutefois, malgré ces turbulences relativement spectaculaires du marché durant le mois, il est surprenant de constater que peu de changements sont intervenus. Les valorisations des actions demeurent faibles et les marchés obligataires commencent à peine à enregistrer une amélioration des niveaux de valorisation. Dans ce contexte, il est manifestement trop tôt pour relever notre positionnement vis-à-vis du risque, le contexte macroéconomique globalement positif nous empêchant par ailleurs de devenir trop négatifs concernant le risque du portefeuille. Par conséquent, aucun changement. Néanmoins, en ce qui concerne les marchés obligataires, les investisseurs ont commencé à accepter la nouvelle réalité d’un durcissement du ton des principales banques centrales occidentales. Cela implique une réévaluation du positionnement jusqu’ici relativement négatif à l’égard du risque obligataire. Nous avons donc relevé l’évaluation de la duration d’un cran, de sous-pondération à légère sous-pondération.

«Nous sommes conscients que la période prolongée du scénario «Boucle d’or» au Japon entre dans sa phase finale et que le pays est orienté sur le cycle économique mondial. Par ailleurs, la corrélation négative entre les actions et les marchés des changes n’a pas totalement disparu. Nous craignons donc un léger ralentissement de la croissance à l’avenir et une poursuite de la hausse du yen.»
Hartwig Kos

Marchés actions

Depuis quelques mois, le Japon est le marché qui présente les niveaux les plus élevés de convictions d’investissement. Deux facteurs le laissent penser: premièrement, la forte corrélation avec le cycle économique mondial qui l’alimente. L’idée selon laquelle le Japon est le marché cyclique de la planète demeure étant donné son niveau élevé de levier d’exploitation et sa forte sensibilité aux PMI mondiaux. L’affaiblissement de la corrélation négative entre le yen et les actions japonaises y a également contribué.

Nous sommes conscients que la période prolongée du scénario «Boucle d’or» au Japon entre dans sa phase finale et que le pays est orienté sur le cycle économique mondial. Par ailleurs, la corrélation négative entre les actions et les marchés des changes n’a pas totalement disparu. Nous craignons donc un léger ralentissement de la croissance à l’avenir et une poursuite de la hausse du yen. Il ne faut pas perdre de vue que le Japon est un pays qui affiche un excédent du compte courant, avec une monnaie demeurant très faible. En outre, l’évolution mondiale en faveur d’un renforcement du protectionnisme est particulièrement difficile pour des économies commerciales à forte composante industrielle comme le Japon.

Si nous restons convaincus par l’argumentaire d’investissement en faveur des actions japonaises, compte tenu de la sous-valorisation intrinsèque du marché et du fait que le Japon tend à profiter d’un contexte de hausse des rendements, nous avons décidé de rétrograder notre opinion sur le pays d’un cran, de positive à légèrement positive, en phase avec tous les autres marchés actions développés.

 

Marchés obligataires

Après avoir examiné le cas des emprunts d’Etat occidentaux à la fin de l’année dernière et une nouvelle fois en début d’année, la correction de février a finalement fait grimper les rendements à des niveaux auxquels une révision de notre analyse est justifiée. S’il est vrai que les marchés obligataires sont relativement onéreux, la politique des banques centrales prend désormais une tournure moins accommodante qu’auparavant.

«Les taux de base implicites du marché à cinq ans, indicateur qui permet de mesurer les projections des taux d’intérêt à plus long terme, ont augmenté de plus de 40 points de base depuis la fin de 2017.»
Hartwig Kos

Les investisseurs ont maintenant accepté le fait que l’environnement de marché a évolué. Dans le cas des Etats-Unis, par exemple, si les investisseurs obligataires ont globalement sous-estimé la trajectoire de la politique monétaire orchestrée par la Fed pendant la majeure partie de 2017, les anticipations du marché au sujet des relèvements des taux d’intérêt pour 2018 sont, selon nous, plus réalistes, même si elles sont toujours à l’extrémité inférieure de la fourchette. Un profond bouleversement des attentes du marché sur les taux d’intérêt à long terme est également intervenu. Les taux de base implicites du marché à cinq ans, indicateur qui permet de mesurer les projections des taux d’intérêt à plus long terme, ont augmenté de plus de 40 points de base depuis la fin de 2017. Le taux actuel de 3,14% est nettement supérieur à la projection médiane, fin décembre, du taux cible des fonds fédéraux à plus longue échéance, qui s’élève à 2,75%. En outre, il est également supérieur aux différents points de pourcentage attribués par les gouverneurs de la Fed. Cette situation démontre clairement que les gouverneurs de la Fed peuvent modifier leurs projections lors de leur réunion en mars. Elle indique également que les anticipations du marché ont beaucoup évolué, ce qui nous permet d’être désormais plus confiants dans la duration. Ce point de vue repose sur les obligations d’Etat nominales et la dette des marchés émergents (devises locales et étrangères), pour lesquelles notre opinion est une légère surpondération.

 

Changes et liquidités

La livre Sterling a été rétrogradée d’un cran à sous-pondération. Cette évolution est intervenue dans le cadre d’une forte appréciation de la devise par rapport à l’USD, neutralisant une part importante de la relative sous-valorisation des taux de change. Cette situation s’explique également par le fait que, sur le plan politique, le pays reste en ruines et affiche une visibilité très limitée sur la progression des négociations relatives au Brexit.

_Hartwig Kos