Asset Allocation Insights

Notre point de vue mensuel sur l’allocation d’actifs (juin 2019)

Vendredi, 06/14/2019

N’y allons pas par quatre chemins. La déception et l’inquiétude sont grandissantes. Premièrement, la dynamique de la croissance économique reste faible. Au début de l’année, nous anticipions un rebond beaucoup plus marqué. Or, force est de constater que les signes timides d’un redressement de l’activité en Chine ou en Europe se sont heurtés aux événements récents.

Deuxièmement, grâce aux tweets du président Trump, la guerre commerciale a repris de plus belle. Les tarifs douaniers ne vont pas à eux seuls faire basculer l’économie en récession. Toutefois, les incertitudes qu’ils engendrent sont contre-productives et limitent les chances d’une amélioration nette et rapide du cycle économique. La détérioration du sentiment devrait avoir l’effet d’un frein et être source de volatilité pour les actifs risqués, en particulier sur les marchés actions.

Vendredi 14/06/2019 - 02:46
Fabrizio Quirighetti Macroeconomic Strategist
Adrien Pichoud Chief Economist & Senior Portfolio Manager
Maurice Harari Senior Portfolio Manager
Luc Filip Head of Discretionary Portfolio Management

Restez calmes et optez pour le portage

N’y allons pas par quatre chemins. La déception et l’inquiétude sont grandissantes. Premièrement, la dynamique de la croissance économique reste faible. Au début de l’année, nous anticipions un rebond beaucoup plus marqué. Or, force est de constater que les signes timides d’un redressement de l’activité en Chine ou en Europe se sont heurtés aux événements récents.

Deuxièmement, grâce aux tweets du président Trump, la guerre commerciale a repris de plus belle. Les tarifs douaniers ne vont pas à eux seuls faire basculer l’économie en récession. Toutefois, les incertitudes qu’ils engendrent sont contre-productives et limitent les chances d’une amélioration nette et rapide du cycle économique. La détérioration du sentiment devrait avoir l’effet d’un frein et être source de volatilité pour les actifs risqués, en particulier sur les marchés actions.

Il est vrai que la politique monétaire plus accommodante aux Etats-Unis, l’amélioration des perspectives de croissance et la résolution du litige lié aux tarifs douaniers ont concouru aux solides performances enregistrées depuis le début de l’année. Toutefois, il est difficile de s’enthousiasmer pour la viabilité d’un rebond caractérisé par une augmentation des valorisations dans un environnement où les bénéfices ralentissent. En d’autres termes, les marchés semblent s’être emballés.

Heureusement, l’absence de pressions inflationnistes et le revirement de la Réserve fédérale au début de l’année, auxquels vient s’ajouter le maintien de politiques monétaires accommodantes sur les marchés développés, offrent un certain soutien et assurent un afflux de liquidités, en particulier en direction des marchés obligataires.

Il nous a paru logique dans de telles conditions de réduire le bêta et la volatilité en prenant des bénéfices sur la partie la plus cyclique de l’allocation en actions, en particulier après les solides gains engrangés depuis le début de l’année. Nous conservons néanmoins un certain portage dans le secteur obligataire, en particulier dans le secteur de la dette des marchés émergents libellée en monnaie forte. Comme le dit l’adage, «un tiens vaut mieux que deux tu l’auras».

_Fabrizio Quirighetti

Contexte économique en bref et analyse globale

Le président Donald Trump a encore frappé. En relevant soudainement les tarifs douaniers sur USD 200 mia de produits chinois importés aux Etats-Unis, Trump a remis les tensions commerciales sur le devant de la scène, alors même qu’un accord entre la Chine et les Etats-Unis semblait à portée de main, après des mois de pourparlers «constructifs». Sans vouloir nous avancer sur les raisons de cette volte-face (un faux pas chinois ou peut-être un calcul électoral), la résurgence des tensions n’augure rien de bon pour les perspectives de la croissance mondiale à court terme. L’Europe et la Chine, où l’on ne constate pas encore un réel redressement de la dynamique économique, restent donc vulnérables à des variations du sentiment et à une incertitude accrue.

Ces deux régions clés ont affiché des signes timides de stabilisation au début de l’année 2019, notamment la Chine, où les mesures de relance budgétaire et monétaire ont semblé se répercuter sur le crédit et les entreprises. Toutefois, les données récentes n’ont pas confirmé le rebond attendu de l’activité, laissant les deux économies dans des situations relativement fragiles, caractérisées par une croissance mitigée et atone. Dans ce contexte, le retour des tensions commerciales constitue un frein potentiellement plus dangereux, car les sentiments des entreprises, des ménages et des investisseurs sont plus susceptibles d’être affectés par le regain d’incertitude.

Sur une note positive, la politique monétaire a clairement basculé en mode de soutien. La normalisation n’est plus à l’ordre du jour de l’ensemble des grandes banques centrales, qui maintiennent une position accommodante pour pallier une éventuelle détérioration de la situation. Cela pourrait empêcher les niveaux de dette généraux de devenir problématiques en cas de nouveau ralentissement de la croissance mondiale. Toutefois, au lieu d’afficher le sursaut prévu, les perspectives macroéconomiques restent floues et laissent présager le retour d’un problème latent.

 

Croissance

On constate une divergence entre la dynamique cyclique des marchés développés (MD) et celle des marchés émergents (ME). Malgré des perspectives de croissance mondiale positives, soutenues par une demande finale solide dans les grandes économies développées, l’absence d’accélération marquée de la croissance en Europe et en Chine va à l’encontre des attentes.

 

Inflation

La dynamique de l’inflation reste atone dans le monde entier et ne progresse guère, malgré la hausse des prix de l’énergie.

Ralentissement de la dynamique dans les économies développées, mais amélioration dans la plupart des économies émergentes
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Source
Factset, SYZ Asset Management. Données au: 22.05.2019

Orientation des politiques monétaires

L’atonie de l’inflation permet aux banques centrales de maintenir des politiques monétaires accommodantes dans les pays développés, soutenant ainsi la demande intérieure et les perspectives de croissance. On retrouve néanmoins des positions de politique monétaire restrictives dans les pays émergents.

Analyse économique globale

La dynamique de croissance dans les économies développées s’essouffle depuis quelques mois et cette tendance ne s’est pas inversée. Dans ce contexte, l’économie américaine continue de se démarquer, grâce au maintien d’une demande intérieure soutenue, même si le contexte de la croissance mondiale continue d’affaiblir cette dynamique. La solidité du marché du travail et la croissance modérée mais positive du revenu réel des ménages continuent d’alimenter la croissance du PIB. La Réserve fédérale a souligné plusieurs fois qu’elle souhaitait désormais que l’inflation se stabilise ou dépasse son objectif de 2% pendant un certain temps avant d’envisager un nouveau resserrement, une position qui garantit implicitement que la politique monétaire restera accommodante pendant encore longtemps.

La conjoncture économique de la zone euro peut être envisagée dans la perspective du «verre à moitié plein». La demande intérieure et l’activité des services maintiennent la dynamique de croissance à flot, comme le reflète le redressement de la croissance du PIB au premier trimestre, et la dynamique cyclique a cessé de se détériorer, comme en attestent les indicateurs de l’activité manufacturière, qui se sont stabilisés à leurs points bas de mars. A l’inverse, en l’absence de rebond visible de la dynamique cyclique, contrairement aux attentes, elle peut être interprétée sous le prisme du verre à moitié vide. Ces résultats inférieurs aux attentes laissent la zone euro dans une situation fragile, où n’importe quel vent contraire pourrait entraîner une détérioration des niveaux déjà modestes de la croissance actuelle, même un revirement du sentiment. Tout bien considéré, si l’on tient compte du retour des tensions commerciales et des incertitudes politiques (en particulier les élections européennes et le Brexit), le verre est probablement plus vide que plein en Europe continentale. Etonnamment, l’économie britannique s’en sort plutôt bien en termes de dynamique de croissance, soutenue par la constitution prévoyante de stocks, mais également par une solide demande intérieure finale. Toutefois, l’incertitude incessante générée par le Brexit brouille les cartes à moyen terme.

Comme dans la zone euro, la croissance reste mitigée au Japon et en Australie, pénalisés par le ralentissement des échanges mondiaux, même si la demande intérieure résiste bien pour le moment. Dans ce contexte, la perspective d’un relèvement de la TVA au Japon dans le courant de l’année est une source d’inquiétude, car elle pourrait rapprocher le pays d’une récession.

«Au lieu d’afficher le sursaut prévu, les perspectives macroéconomiques restent floues et laissent présager le retour d’un problème latent.»

Economies émergentes

Avec l’Europe, la Chine a été l’une des principales responsables de la détérioration de la croissance mondiale l’année dernière. Et comme pour l’Europe, les marchés anticipaient le rebond de la Chine en 2019 grâce à l’impact des mesures d’assouplissement budgétaire et monétaire qui devait se répercuter sur l’économie. Bien que des signes encourageants aient été observés en début d’année, ils ne se sont pour l’instant pas traduits par une accélération plus prononcée des données macroéconomiques. Quant à l’Europe, il est rassurant que le mouvement de ralentissement de l’économie se soit interrompu, mais l’absence de dynamique positive rend le Vieux Continent vulnérable à des vents contraires, en particulier le regain des tensions commerciales et l’augmentation des tarifs douaniers.

Après un rebond de l’activité lié au sentiment au deuxième semestre l’année dernière, l’économie brésilienne s’essouffle depuis quelque temps. Les principales réformes politiques restent soumises à un risque d’exécution, en particulier les retraites, et des résultats concrets sont probablement nécessaires pour pérenniser la dynamique d’expansion générée par le sentiment et l’asseoir sur des fondamentaux.
 

_Adrien Pichoud

PMI manufacturier des quatre plus grandes économies de la zone euro
L’activité a cessé de se détériorer en Europe... mais ne se redresse pas de manière convaincante
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Source
Factset, SYZ Asset Management. Données au: 22.05.2019

Analyse de l’équipe Asset Valuations & Investment Strategy Group

Risque et duration

Au cours du mois examiné, nous avons rétrogradé la position de risque à «sous-pondération» et nous avons maintenu la duration à «légère sous-pondération» dans notre allocation d’actifs.

Ces changements soulignent nos craintes concernant l’apathie actuelle de la croissance, en l’absence de redressement de l’activité, et les conséquences potentiellement négatives de la guerre économique sur le sentiment. En fait, les tensions entre les Etats-Unis et la Chine pourraient également perturber la conjoncture mondiale actuelle (à plus forte raison compte tenu de l’atonie de la dynamique actuelle), si l’incertitude et les représailles venaient à s’étendre à d’autres produits, services ou zones géographiques, comme l’Europe ou le Japon.

Compte tenu des valorisations excessives, de la croissance nominale apathique et de la mise en place de davantage de mesures de politique monétaire qu’il y a six mois, le «portage», en particulier par le biais d’obligations émergentes libellées en monnaie forte et de titres de dette subordonnée européenne, pourrait être privilégié par rapport à la plus forte volatilité des marchés actions.

Par conséquent, la réduction du risque n’a concerné que les actions, en abaissant la préférence pour plusieurs des zones géographiques les plus exposées à d’éventuels résultats décevants en matière de croissance et à des risques de guerre commerciale, par exemple, la Chine, la Corée du Sud, la zone euro et le Japon.

Il ne reste plus beaucoup de valeur dans la duration, mais nous en avons conservé, dans la mesure où l’impulsion insuffisante de la croissance ou de pressions inflationnistes s’est traduite par des politiques monétaires accommodantes. Les inquiétudes liées à la guerre commerciale ont également un effet favorable sur la duration, en renforçant ce contexte favorable.

En revanche, des risques potentiels de hausse des taux d’intérêt pourraient émerger au deuxième semestre si une accélération de la croissance chinoise et un rebond de l’activité aux Etats-Unis entraînent les économies européennes dans leur sillage. Si les prix de l’énergie continuent de grimper, les effets de base sur les cours du pétrole pourraient également devenir défavorables dans le courant de l’année.

«La position de risque au sein des actions a été rétrogradée d’un cran à «sous-pondération», mais nous maintenons une exposition aux actifs plus risqués dans le secteur obligataire, dans la mesure où ils sont soutenus par des régimes de politique monétaire accommodante dans la plupart des grandes économies développées.»

Marchés actions

La zone euro, la Chine, la Corée du Sud et le Japon ont tous été rétrogradés à «légère sous-pondération», car ils pourraient être les premières victimes (directes ou collatérales) d’une croissance décevante et d’une persistance des risques de guerre commerciale au cours des prochains mois. En outre, les valorisations des marchés actions du Japon et de la zone euro ont augmenté.

Etant donné la réduction du risque actions, nous préférons ne pas exprimer de biais sectoriel prononcé, ni de prédilection pour les valeurs défensives ou cycliques, car aucun secteur en particulier ne se démarque en termes de dynamique de valorisations et de bénéfices.

Nous restons attachés aux actions à dividendes élevés, car elles devraient être moins exposées au risque d’un relèvement temporaire des taux d’intérêt. Elles offrent également une véritable alternative à moyen et long terme dans cet environnement de taux faibles.

 

Marchés obligataires

Aucun changement n’a été apporté à notre préférence relative pour les emprunts d’Etat réels par rapport aux nominaux et pour la dette émergente libellée en monnaie forte (pour laquelle l’environnement actuel est favorable et dont les valorisations sont attrayantes) par rapport aux obligations libellées en monnaies locales. Parallèlement, notre sous-pondération des titres de crédit Investment Grade et à haut rendement reste d’actualité.

Les obligations turques en monnaies étrangères ont été rétrogradées à «légère sous-pondération» face à l’assombrissement des perspectives, tandis que les obligations polonaises libellées en monnaie locale ont été relevées à «légère sous-pondération», grâce à une croissance relativement solide, une inflation faible et une politique monétaire légèrement accommodante.

 

Marché des changes, produits alternatifs et liquidités

Nous privilégions le dollar US à l’euro, malgré la plus forte valorisation du billet vert, car il offre de meilleures perspectives de croissance et un écart de rendement positif.

En ce qui concerne le yen japonais, que nous surpondérons légèrement, notre perception de la monnaie reste favorable par rapport au franc suisse qui a perdu son statut de valeur refuge suite au parti pris de la Banque nationale suisse en faveur d’un assouplissement de sa politique monétaire. Enfin, nous avons placé l’or en légère surpondération compte tenu de sa caractéristique de diversification dans le contexte actuel d’aversion pour le risque.

 

_Maurice Harari